Le chameau et le chas
Mardi, 20° semaine du temps ordinaire (année paire)
Certaines paroles du Christ deviennent proverbiales, mais hors contexte. On en connaît bien la lettre, mais en saurons-nous jamais la situation d’énonciation, comme disent les linguistes, et surtout l’intonation ? Comment Jésus a-t-il réellement prononcées les sentences proverbiales qu’on lui attribue ? C’est qu’on a tôt fait de transformer le Christ en prédicateur de vérités définitives, prompt à proférer ex cathedra des préceptes à graver dans le marbre. N’est-ce pas manquer l’incarnation ? Oublier l’essentiel, la relation, le grain de la voix ? Cette voix unique, dont il est dit que ses brebis la reconnaissent.
Ainsi de l’adage : il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux ! Comment le Christ a-t-il pu prononcer cela ? L’image est assez saugrenue, et plaisante. On imagine le riche en position de chameau, aux prises avec le chas (pas le chat !) de l’aiguille. La formule est presque facétieuse et Jésus plus qu’on ne l’imagine a de l’humour… Mais c’est en voyant le jeune homme riche s’éloigner qu’il risque cette comparaison insolite. Échec cuisant de la rencontre, dialogue infécond : valait-il donc mieux en sourire ? Une façon humoristique de réveiller les consciences, ou d’exorciser par un trait d’humour la poignante tristesse de celui qui vient de choisir de passer son chemin ? Oui, comment le Christ a-t-il pu prononcer cela ? Avec un sourire aux lèvres ? Ou avec des larmes dans la voix ? A qui pensait-il alors, un pincement au cœur, sinon à ce jeune homme riche, sur lequel il venait de poser son regard d’amour et qui s’éloignait ? Il pensait à lui comme à nous, quand nous passons notre chemin. Nous avons tous de grands biens.
Une explication du « chas de l’aiguille » m’a été donnée un jour par un théologien : l’aiguille serait le nom d’une étroite porte de Jérusalem. Pour passer par cette porte, il fallait décharger les chameaux. L’image utilisée par Jésus permet de comprendre que les chameaux peuvent passer par le chas de l’aiguille quand ils ne sont plus encombrés de leur chargement : un riche y parviendra aussi s’il accepte de se débarrasser du fardeau de ses richesses. Il me semble d’ailleurs que certaines traductions disent « le trou de l’aiguille » plutôt que « le chas de l’aiguille », formule qui semble plus appropriée à cette interprétation qui n’enlève rien à la qualité de votre homélie, merci Père L’Audet
RépondreSupprimerMerci de ce bel ajout ! La parole de Dieu est inépuisable...
RépondreSupprimerJ'ai en effet entendu un jour cette explication, qui est très belle, et très suggestive. Elle aide aussi à comprendre ce qu'est cette fameuse "porte étroite": pas une restriction drastique du nombre des élus, mais une petite porte de miséricorde qui reste ouverte nuit et jour pour ceux qui loupent l'horaire de fermeture des grandes portes des murailles de Jérusalem! Petite porte toujours ouverte, mais jamais franchissable sans le déchargement que vous évoquez ! Merci !
Patrick Laudet
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