Bien traduire…

Annonciation du Seigneur

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 1, 26-38)

Car rien n’est impossible à Dieu. La réponse, même angélique, n’est-elle pas un peu rapide ? Presque expéditive, voire convenue. Forcément ! A Dieu… rien n’est impossible, il n’y a qu’à avoir la foi ! Ça irait nécessairement de soi : il faut s’en remettre à sa toute-puissance, c’est tout, au risque de congédier un peu vite la question, comme si elle était de trop, un brin déplacée. Elle est pourtant magnifique, cette parole de la jeune femme, vibrante de vie, de liberté, de prudence. Marie n’est pas béni-oui-oui, programmée pour une obéissance servile ! Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? Est-ce du doute ? S’arrête-on assez sur cette demande magnifique, dont on ne mesure pas assez la tonalité, faite peut-être d’émerveillement : « ah oui ? C’est bouleversant : j’ai hâte de savoir comment ces choses arrivent et vont m’arriver : je suis partie prenante pour les comprendre un peu, à la mesure de mon impatience et de mon désir. Ça m’intéresse ! » Mais aussi, cette belle préoccupation de Marie, si pleine de sagesse : parce qu’elle n’est pas Eve qui s’était acquis Caïn (son nom même, donné par une mère possessive et toute puissante !), ce besoin qu’elle exprime alors d’un tiers, la place qu’elle fait ici au père ! Au moment où l’ange lui annonce qu’elle va enfanter le Messie, c’est si beau : elle fait place à l’homme, et pas seulement pour des raisons sexuelles, ou génétiques. C’est bien plus profond en vérité, et la question en dit long sur la clairvoyance de sa maternité, qui ne sera ni de fusion, de possession ou de domination. Rien n’est impossible à Dieu. N’est-ce donc pas lui répondre un peu vite, par une formule de fait trop facile, pas vraiment à la hauteur ? Mais Gabriel n’y est pour rien ! Car la traduction de ce qu’il lui dit hélas est fausse, victime d’une vieille théologie où la toute-puissance de Dieu est quasi magique, comprise toujours comme celle d’un potentat. En grec, il est écrit ici, littéralement : Auprès de Dieu, rien n'est impossible. La préposition para (à côté) change tout, et de la place de Dieu et de la place de l’homme. C’est la relation qui est puissante ici, et féconde ! C’est la proximité de Dieu qui donne du fruit. Vivre à son côté ! Une vraie parole d’ange, qui vaut aussi pour nos vies, et qui nous parle d’un Dieu qui n’est pas magique : auprès de Dieu, à ses côtés, non, vraiment rien n’est impossible ! Ce qui est autre chose tout de même, et nous révèle qui est ce Dieu-là, celui de l’Alliance :vraiment pas un Pharaon ! Pourquoi ne fait-on pas davantage attention à la qualité et à l’exactitude des traductions !

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