Appartenir au monde

Samedi, 5° semaine du Temps Pascal (année impaire)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 15, 18-21)

Ne pas appartenir au monde ! Si la séparation est mue par l’arrogance, la méfiance ou le mépris, une telle invitation de Jésus peut être mal comprise et certaines attitudes qui en découleraient peu évangéliques. Les disciples de Jésus n’ont pas vocation à être « ailleurs », plus « haut », plus dans la « pureté » ou la « vérité », au nom desquelles tout ce qui serait « le monde » serait du coup mauvais. Ne pas appartenir au monde, ce n’est pas rêver de le fuir, encore moins le haïr.

Le monde comme il va, souvent mal, reste le fruit de la création de Dieu, et il continue à le soutenir dans l’être. En un sens, il est confié à notre sollicitude. Moins à fuir, en vérité, qu’à aimer. Le Christ lui-même, pendant trente années, n’a rien fait qu’être discrètement présent à ce « doux royaume de la terre » comme disait Bernanos, qui n’est pourtant doux qu’à certaines heures…Car il s’agit aussi d’être au monde, sans lui appartenir. Tant de contemporains s’en absentent, abêtis qu’ils sont par leurs écrans et leurs oreillettes. Être là, bien là, présent à soi-même, au monde, et aux autres. Il suffit de prendre le métro pour mesurer à quel point l’absence au monde nous menace.

Ne pas appartenir au monde, c’est surtout rester libre de son esprit. De cet esprit qui préfère souvent ce qui se compte à ce qui compte. C’est goûter les plaisirs de la terre en désirant pourtant le Royaume de Dieu, non comme une consolation ou compensation de la création que comme sa transfiguration éternelle.

Ne pas appartenir au monde n’est donc pas l’effet d’une soustraction élective que le Christ opère sur ses disciples pour en faire des inadaptés. Plutôt celui d’une inoculation de charité selon laquelle tout du monde, et même ses possibles persécutions, est mystérieusement vu des profondeurs du cœur de Dieu. Qu’est-ce au fond qu’être missionnaire, sinon savoir justement être présent au monde. Y ajuster regard et disponibilité. Le monde, parce qu’il est fait des hommes qui le mènent, est toujours à aimer plus qu’à mépriser. Jésus en ce sens a bien « appartenu » au monde. Il s’est même livré à lui. Librement, et par amour.

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