Où reposer la tête

Lundi, 13° semaine du Temps Ordinaire (année impaire)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 8, 18-22)

Avouons-le, il n’y a pas grand rapport entre la belle promesse que vient de lui faire un scribe (« Maître, je te suivrai partout où tu iras ») et la réponse immédiate de Jésus (Mais Jésus lui déclara : les renards ont des terriers, les oiseux du ciel ont des nids ; mais le fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête). Au détour de la conversation, à l’occasion d’une parole d’engagement où retentit comme une ardeur d’amour pour le suivre, Jésus, c’est bouleversant, se laisse aller comme à une confidence. Le coq à l’âne ici est touchant. Jésus avoue qu’il n’est plus désormais nulle part chez lui. Le temps de Nazareth est déjà loin, aucune maison ne lui est vraiment hospitalière. Tel ou tel donnera encore l’hospitalité. Mais il s’agit d’autre chose. Progressivement, la terre des hommes qu’il a tant désiré habiter lui devient hostile. Renards et oiseaux sont à meilleure enseigne ! Précarité poignante du Fils de l’homme, que le monde n’accueille pas ! Cette « tête » qui pourtant tient secrètement le monde entier, nulle part où l’appuyer… Nulle part, sinon bientôt à la Croix. Aux heures de grandes fatigues, de souffrances intimes quand la mort s’approche, il reste le sein du Père. Et peut-être un coin de notre cœur ? Il arrive que des confidences cache des demandes.

(Petit commentaire sur la première lecture, Gn 18, 16-33)

Sur l’intercession d’Abraham, combien d’erreurs ! Ainsi, l’idée que le Dieu de l’Ancien Testament est un Dieu de colère, implacable et justicier. Face à lui, héroïque défenseur de notre pauvre humanité, un Abraham vaillant, qui aurait finalement plus d’amour dans le cœur que Dieu lui-même. Si tel est le cas, le marchandage est un peu cruel. De la Genèse à l’Évangile, Dieu est un. En vérité, Il met dans la bouche d’Abraham ce qu’il a de très profond dans le cœur. Quand il faut que justice et miséricorde soient toutes deux honorées, c’est émouvant de voir qu’Il s’associe l’homme. Dieu lui délègue alors la miséricorde, lui révélant ainsi un grand ministère spirituel. Au fond, pourquoi ce dialogue, sinon pour initier chez Abraham et sa descendance la profondeur d’une mission. L’élection, qui n’a rien d’un privilège, devient alors invitation à intercéder pour l’humanité. Pas le caprice d’une comptabilité arbitraire donc. En Abraham, d’emblée, Dieu veut pétrir des cœurs d’intercesseur, et leur apprendre par-là les profondeurs de sa propre miséricorde. Si Abraham avait eu le cœur aussi grand que Dieu, il aurait demandé la miséricorde pour cinq justes, puis pour un seul. Il aurait alors entrevu le salut, et quelque chose du Christ. Prudemment, il s’arrêtera à dix : comment oser croire que Dieu peut sauver une multitude avec un seul ? Cette histoire d’amour n’en est encore qu’à son début. Mais secrètement, au plus profond du cœur de Dieu, le désir d’aller jusqu’à un seul brûle déjà.

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