Le chameau et le chas
Mardi, 20° semaine du Temps Ordinaire
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 19, 23-30)
Certaines paroles du Christ deviennent proverbiales, mais hors contexte. On en connaît bien la lettre, mais en saurons-nous jamais la situation d'énonciation, comme disent les linguistes, et surtout l'intonation ? Comment Jésus a-t-il réellement prononcées les sentences proverbiales qu'on lui attribue ? C'est qu'on a tôt fait de transformer le Christ en prédicateur de vérités définitives, prompt à proférer ex cathedra des préceptes à graver dans le marbre. N'est-ce pas manquer l'incarnation ? Oublier l'essentiel, la relation, le grain de la voix ? Cette voix unique, dont il est dit que ses brebis la reconnaissent.
Ainsi de l'adage : il est plus facile à un chameau de passer par un trou d'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux ! Comment le Christ a-t-il pu prononcer cela ? L'image est assez saugrenue, et plaisante. On imagine le riche en position de chameau, aux prises avec le chas (pas le chat !) de l'aiguille. La formule est presque facétieuse et Jésus plus qu'on ne l'imagine a de l'humour… Mais c'est en voyant le jeune homme riche s'éloigner qu'il risque cette comparaison insolite. Échec cuisant de la rencontre, dialogue infécond : valait-il donc mieux en sourire ? Une façon humoristique de réveiller les consciences, ou d'exorciser par un trait d'humour la poignante tristesse de celui qui vient de choisir de passer son chemin ? Oui, comment le Christ a-t-il pu prononcer cela ? Avec un sourire aux lèvres ? Ou avec des larmes dans la voix ? A qui pensait-il alors, un pincement au cœur, sinon à ce jeune homme riche, sur lequel il venait de poser son regard d'amour et qui s'éloignait ? Il pensait à lui comme à nous, quand nous passons notre chemin. Nous avons tous de grands biens.
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