Joseph le juste

Dimanche, 4ème semaine de l'Avent (année A)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 1, 18-24)

Qui donc était-il, ce bon Joseph ? L’Évangile nous dit que c’était un juste, c'est-à-dire un cœur qui ne voit pas le mal. Voilà un mot que l’on ne comprend plus bien, parce qu’on le relie seulement à la notion moderne de justice et on l’oppose à son contraire, un homme injuste. Un juste dans le monde de Nazareth, c’est au fond un homme ajusté, un saint. Un homme qui a le sens de la juste distance qui sépare l’humanité de la divinité, un homme qui, comme le disait le curé d’Ars, ne veut pas « enjamber sur Dieu ». Telle est, magnifiquement illustré par Joseph, le sens véritable de la » justice chrétienne », qui est plutôt une justesse, un art de répondre juste à ce que Dieu et le prochain attendent de nous. Claudel ajoutait : « c’est pourquoi il est plus difficile d’être un homme juste qu’un surhomme ». Parce que Joseph est le type même de l’homme juste, son projet, nous dit l’Évangile, était donc de répudier Marie « en secret » ; on s’accorde certes à rendre hommage à sa discrétion délicate. Mais est-ce vraiment pour régler à l’amiable une prétendue affaire de tromperie qu’il envisage alors la répudiation ? N’est-ce pas plutôt que cet homme juste et bon, connaissant trop Marie pour un seul instant douter d’elle, croit comprendre (à tort !) que ce qui se passe en elle le dépasse, et n’est pas pour lui ? N’est-ce pas pour se retirer humblement de ce dont en vérité il ne doute pas, mais dont il n’imagine pas que cela puisse être aussi son histoire, à lui, le modeste charpentier de Nazareth ? Oui, le premier réflexe de Joseph a été de s’effacer devant ce qu’il ne comprenait pas, soucieux qu’il était de ne pas entraver le projet de Dieu qu’il pressent. Aussi l’Annonce que l’Ange vient faire à Joseph n’est peut-être pas d’abord pour le rassurer sur le compte de Marie, mais sur le sien ! Et l’ange lui dit quelque chose comme : « Joseph, fils de David, aussi humble et petit sois-tu, tu es l’héritier de la Promesse ; je te salue, Joseph béni de Dieu. Oui, cette histoire est bien la tienne ! Ne te retire pas par délicatesse devant ce que tu devines être les œuvres de Dieu. Sois père de cet enfant, qui ne sera pas le fils de personne mais l’héritier de David et prends chez toi Marie ton épouse ! Ton épouse…Ne crains rien, aie confiance en toi ! » Telles furent sans doute les paroles qu’il entendit en songe et qui lui furent versées dans son cœur. Et le « fiat » de Joseph qui s’ensuit (sans parole, mais en acte) est magnifique, et vaut à sa façon celui de Marie : « Il fit ce que l’ange du seigneur lui avait prescrit ; il prit chez lui son épouse »

Chaque fois que Dieu manifeste combien il a besoin de chacun de nous pour continuer à sauver le monde, parfois à une place qui nous dépasse, pour laquelle humainement nous nous savons comme Joseph bien « dépassés », ne répudions pas, même secrètement, les appels que Dieu nous fait et auxquels notre petitesse semble si peu « accordée ». Confions-nous à Joseph pour qu’il nous aide à faire simplement ce que l’ange nous prescrit et à accueillir avec confiance la demande de Dieu.

Nous ne sommes plus qu’à quelques jours de Noël et notre chemin d’Avent touche presque à son terme. Cette année encore, devant les crèches de nos églises et de nos maisons, nous allons nous laisser ravir par ce petit enfant et son cortège de santons. Mais n’oublions pas qu’ils ne sont que le signe d’une réalité inexprimable et bouleversante. Dans l’enfant de Bethléem, ne voyons pas un bambin de légende, mais contemplons sur son visage les traits véritables d’un Dieu très bas ; de ce Dieu qui est « avec nous », pour nous associer à son bonheur, qui est d’aimer, et donner à chacun, comme ce jour-là au bon Joseph, sa place mystérieuse dans la grande aventure du sauvetage du monde, si désagrégé par le péché et le mal. Pris par les préparatifs et le décor de Noël, il ne faudrait pas que nous fêtions un grand absent, mais bien ce « Dieu Emmanuel, Dieu avec nous », ce Dieu qui prend inlassablement la route de l’homme, la route de chaque homme. Ne l’oublions pas : oui, chacune de nos vie lui est une crèche !

Editorial Newsletter Saint-Bonaventure/cathédrale

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