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Les cheveux de notre tête !

Samedi, 14ème semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 10, 24-33) Même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Une image capillaire assez insolite, propre à faire pâlir les meilleurs coiffeurs et méditer les chauves en puissance. Touchante en vérité. Pas que Dieu nous menace de ne rien laisser passer dans nos vies. Pas tellement qu’il nous demandera des comptes, le moment venu, au cheveu près. Pas qu’il se dissimule finalement dans toute chose, la plus infinitésimale, qu’il est derrière la chute ou la poussée du moindre de nos cheveux, comme le Dieu puisant d’autres cultures religieuses, qui régit directement le monde aussi bien dans les causes secondes que dans les causes premières, excluant ainsi toute liberté véritable et tout ordre propre à la création. Même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Bien plutôt comme une infinie sollicitude. Dans nos vies, tant de choses sont perdues. On perd notre temps, nos...

Serpent-colombe

Vendredi, 14ème semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 10, 16-23) Jésus ne trompe pas son monde. Il est on ne peut plus clair sur les affres possibles de la vie de disciple. Rien de vraiment séduisant : des procès iniques, des brouilles familiales, des coups en tout genre, des trahisons, ce qui est au fond l’ordinaire des vies humaines, mais tout cela, prévient-il, à cause de mon nom . Il va plus loin et avertit même des persécutions probables. Petites ou grandes, de fait, l’histoire depuis deux mille ans lui a plutôt donné raison. On peut donc hésiter à signer, ou avoir un peu peur de s’engager. Pourtant, tout aussi radicale est sa promesse d’assistance décisive en cas de problème. Grâce à l’Esprit du Père qui ne fera jamais défaut, il tient à écarter en nous les tourments. C’est promis, nous ne serons jamais seuls. Il faudra juste tenir la fidélité. Nous voilà, en un sens, rassurés. Ce qui reste pourtant difficil...

Qu’est-ce donc que secouer la poussière de nos pieds ?

Jeudi, 14ème semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 10, 7-15) Le vade-mecum proposé aux disciples peut surprendre une sensibilité moderne : Si l’on ne vous accueille pas et si l’on n’écoute pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds. Face à l’indisponibilité des hôtes, la méthode proposée est sans appel. N’aurait-il pas fallu insister, se faire plus persuasif ? A l’âge démocratique, on croit aux vertus du débat : n’y avait-il pas moyen de discuter quand même, juste avant d’abandonner la partie ? Essayer au moins quelques techniques d’évangélisation plus « branchées » ? Prendre un peu patience, donner une seconde chance. Quant à secouer la poussière de nos pieds, comme d’autres s’en lavent les mains, cela ressemble à du dépit, ou à une indifférence vaguement désabusée, finalement peu charitable. Sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pie...

Faire l’appel

Mercredi, 14ème semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 10, 1-7) Quelques lignes d’Évangile pour faire l’appel, et repasser le nom précis, l’origine ou la situation exacte des douze apôtres. Bien sûr, il s’agit pour Matthieu d’attester la véracité d’une aventure exceptionnelle, de faire comparaître à la barre du témoignage des compagnons bien réels. Des hommes ordinaires, mais dignes de foi, assez divers et ancrés dans la vie de leur temps pour que la citation de leur seul nom sonne comme un gage de fiabilité. Douze témoins à la barre donc, pour attester de l’incroyable révélation qui va changer le monde. Douze ambassadeurs aussi, qui inaugurent ici, pour toute l’histoire humaine, la foule innombrable de ceux qui suivront Jésus. De cette immense cohorte des compagnons à venir, ils présentent alors le tout premier visage, déployant devant Dieu ce bel échantillon de nos diversités humaines. Dans l’appel originel, on décompt...

Récolter

Mardi, 14ème semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 9, 32-38) La moisson est abondante mais les ouvriers peu nombreux. La formule de Jésus est devenue presque proverbiale. En gros, on voit bien… Toujours plus de travail que de mains pour l’accomplir. Un constat réaliste qui est vrai de tous les calendriers, et de bien des situations. Aujourd’hui, plus que jamais d’ailleurs, on manque d’infirmières, de professeurs, de cuisiniers dans les restaurants… Du boulot partout, mais pas assez de bras, ni de cœur à l’ouvrage. Soit. Mais quoi de très spécifiquement évangélique ? De cette vérité très générale, s’agit-il juste d’en faire une application spécifique au domaine religieux ? A l’évidence, cette phrase peut servir légitimement d’appui aux prières pour les vocations : comme d’infirmières, ou d’instituteurs, et vu les besoins spirituels, on manque aussi de prêtres, de diacres, de religieux, de consacrés, de baptisés… Pourtant l’im...

Et voici que …

Lundi, 14ème semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 9, 18-26) Et voici que... Petite interjection de début de phrase pour mieux amener et faire passer ce qui va suivre. Combien de « voilà » et de « voici » sont ainsi arrivés jusqu’au Christ, comme une vague à un rivage. En écho à ces petits dérangements au fil des chemins, combien de rencontres imprévues, insérées dans l’ Évangile . Matthieu s’apprêtait-il à entrer un peu plus précisément dans ce que Jésus disait à ses disciples ? Voilà précisément que le maître vient juste d’être interrompu. Il faut donc rapporter aussi ces moments où un importun, une fois de plus, est venu le déranger. « Tandis que Jésus leur parlait ainsi, voilà qu’un chef s’approcha…Et voici qu’une femme souffrant d’hémorragie s’approcha. » Ça n’arrête jamais !

Présent à Dieu

Samedi, 13e semaine du temps ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 9, 14-17) Concurrence entre disciples ? D’un côté, ceux de Jean-Baptiste, ardents à la pénitence, qui veulent faire du jeûne, à l’instar des pharisiens les plus exigeants, un exercice spirituel majeur, une occasion de se sanctifier. De l’autre, ceux de Jésus qui abandonnent apparemment la pratique du jeûne, et finissent par paraître un peu laxistes. En réponse, Jésus demande une totale disponibilité et une franche liberté pour la nouveauté. L’image de l’étoffe et des outres vient confirmer la nécessité de s’affranchir assez radicalement de l’ordre ancien. Est-ce à dire qu’il ne faudra plus jamais jeûner ? Faut-il admettre que les usages religieux anciens sont tous caducs, désuets ? La réponse est plus nuancée :

Besoin du médecin

Vendredi, 13e semaine du temps ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 9, 9-13) L’idée est fortement inscrite en l’homme, comme un réflexe. Dieu ? D’abord et avant tout, un juge. Beaucoup de religions lui donnent spontanément ce visage, le revêtent de ce qui semble l’attribut majeur et universel de la divinité. La culpabilité et son insidieux travail en nous entretiennent la menace du Père Fouettard. « Ni Dieu ni Maître » a-t-on alors proclamé naguère, comme un cri de libération, en faisant évidemment du judéo-christianisme le responsable historique de la culpabilité, sans reconnaître qu’elle n’est pas son invention, sans comprendre que le Christ est justement venu pour nous en relever, et faire du pardon l’issue. On s’est débarrassé de la faute et du péché. On a évacué Dieu… mais pas la

Saint Thomas

Jeudi, 13e semaine du temps ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 20, 24-29) Symbole du doute, éternel « jumeau » de toutes les paresses à croire, saint Thomas a souvent donné alibi à la tiédeur de nos incrédulités. « Oh, moi, je suis comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois ... ». La phrase nous est familière. Des remontées de positivisme se donnent vite bonne conscience en se réfugiant derrière la figure de celui qui, en vérité, fut peut-être le plus vigoureux des Apôtres. Car saint Thomas n’a rien d’un sceptique mou. C’est un homme courageux, fougueux même, capable de toutes les audaces et imprudences pour suivre Jésus. En Jean (11-16) on le voit prêt à mourir avec son seigneur, à qui il demande le chemin pour le suivre. Tant pis s’il ne comprend pas tout ! En tout cas, il répond à l’appel comme personne. S’il n’a pas bénéficié ainsi que les autres apôtres de la première visite du Ressuscité, c’est probablement qu’il avai...

Jésus et les démons

Mercredi, 13e semaine du temps ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 8, 28-34) Une scène qui déroute notre modernité… Ces deux possédés, qui sortent d’entre les tombes, sont d’emblée assez agressifs. Jésus n’a encore rien dit que sa seule présence leur est insupportable. Mais qui parle en eux ? C’est vrai que, mystère insondable du mal, l’innocence et l’amour ont capacité à tourmenter ceux qui se sont donnés corps et âme à lui. L’Amour est devant eux : c’est pour eux comme une brûlure alors, jamais un baume, ni une espérance. Comment comprendre la supplication en eux des démons, déroutante à première lecture ? C’est comme si, vaincus pas la Bonté incarnée face à eux, totalement affolés et impuissants, ils cherchaient d’urgence une issue ? Comme s’il leur fallait s’échapper. Mais quelle autre issue à l’esprit du mal que d’aller se perdre encore plus, s’avilir dans le bestial et, en se jetant dans la mer de toutes les confusions et des tourmen...

Fallait-il réveiller Jésus ?

Mardi, 13e semaine du temps ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 8, 23-27) Les apôtres aux prises avec la tempête déchaînée ont-ils eu raison de réveiller Jésus ? En un sens, non ! C’est exactement ce que Jésus semble leur reprocher, en pointant l’incongruité de leur désarroi, révélateur de leur manque de foi. Pourquoi êtes-vous si craintifs ? La question semble en cacher une autre : pourquoi m’avoir réveillé ? Et l’apostrophe qui suit ( hommes de peu de foi ? ) laisse penser que, Jésus étant dans la barque, il n’y avait dès lors pas de quoi s’affoler ni réveiller le maître. Une foi absolue suffisait pour faire face aux vagues gigantesques s’abattant sur eux. En vérité, et malgré les apparences, ils ne risquaient rien. Il n’empêche ! Ils ont quand même bien fait de le réveiller, par un autre côté, et la façon dont Jésus apaise aussitôt le vent et la mer pour les rassurer leur donne en un sens raison. Réveiller Jésus dans l’affolement, ...

Où reposer la tête

Lundi, 13° semaine du Temps Ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 8, 18-22) Avouons-le, il n’y a pas grand rapport entre la belle promesse que vient de lui faire un scribe ( « Maître, je te suivrai partout où tu iras » ) et la réponse immédiate de Jésus ( Mais Jésus lui déclara : les renards ont des terriers, les oiseux du ciel ont des nids ; mais le fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête ). Au détour de la conversation, à l’occasion d’une parole d’engagement où retentit comme une ardeur d’amour pour le suivre, Jésus, c’est bouleversant, se laisse aller comme à une confidence. Le coq à l’âne ici est touchant. Jésus avoue qu’il n’est plus désormais nulle part chez lui. Le temps de Nazareth est déjà loin, aucune maison ne lui est vraiment hospitalière. Tel ou tel donnera encore l’hospitalité. Mais il s’agit d’autre chose. Progressivement, la terre des hommes qu’il a tant désiré habiter lui devient hostile. Rena...

Sur cette pierre

Saints Pierre et Paul, Apôtres Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 16, 13-19) Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon église  : la phrase est célèbre, bien sûr, et sortie de son contexte, elle a pu servir parfois à minéraliser l’investiture, à solenniser l’intronisation et installer dans le dur le pouvoir du chef ! Qui plus est, on a depuis bâti des cathédrales et tout un imaginaire très minéral et très architectural a contribué aussi à calcifier la primauté de la charge ! Bien sûr qu’il y faut un peu de solidité, mais est-ce bien cela que Jésus avait en tête à ce moment si décisif ? En bon juif, Jésus sait d’ailleurs ce qu’évoque le mot « pierre » en hébreu ( even ), un émouvant mot-valise, fait du mot père (av)  et du mot fils (ben) : un mot emblématique, un mot magnifique, pour dire la transmission, la relation bien plus que la minéralisation ; voilà d’ailleurs pourquoi les juifs, plutôt que de...

Quand il eut douze ans

Samedi, 12° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 2, 41-51) Jésus grandissait bien. A Nazareth, c’était vraiment un bon petit gars. Dans ce village paisible de Galilée, la vie s’écoulait, douce. L’atelier de Joseph ne désemplissait pas et l’enfant venait souvent y regarder son père travailler. On aurait presque dit qu’il priait. Le sabbat chaque semaine scandait le temps de la petite famille. Toutes les émotions autour de la naissance de Jésus semblaient si lointaines maintenant ! Il arrivait même au bon Joseph de se demander s’il n’avait pas rêvé. La vie était redevenue si normale. Où donc était Dieu dans tout ça ? Cet enfant bien sûr était impressionnant de paix, d’ardeur, de gravité et de joie ! Mais c’était un enfant, leur enfant. Mon enfant dit Marie, mon petit. Fils de Dieu oui : elle gardait évidemment ces choses-là dans son cœur , mais il lui arrivait de ne savoir plus bien quoi, tant la vie de Nazareth était tranquille. ...

La brebis perdue

Vendredi, 12° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 15, 3-7) Rien de moins raisonnable, de plus provocateur, que la parabole de la brebis perdue ! Jésus fait comme si les choses allaient de soi et se montre très optimiste sur notre art d’être bons bergers. Il fait sur ses auditeurs un pari audacieux, pas gagné d’avance : « Si l’un de vous a cent brebis et en perd une, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ?».

Au nom de Dieu

Jeudi, 12° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 7, 21-29) Au nom de Dieu. Oui, au cours de l’Histoire, que de choses proférées au nom de Dieu ! Que de choses accomplies, et parfois des plus épouvantables, au nom de Dieu. Le mésusage du nom de Dieu est hélas de tous les calendriers. Et comme on dit d’un tel qu’il a bon dos, Dieu a aussi… bon nom ! Le Christ sait bien tous les détournements dont le nom de Dieu sera toujours l’objet, toutes les perversions qu’il servira à légitimer. C’est peut-être bien pour cela d’ailleurs que, depuis la Genèse et dans tout le premier Testament, Dieu ne donne pas son nom comme cela… Comme s’il en retardait, et pour cause, la révélation. Car en nous donnant son nom, il nous donne encore un peu plus barre sur lui. C’est bouleversant, mais c’est risqué.

Raisin, épines, fruits, chardons…

Mercredi, 12° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 7, 15-20) Pas moins aujourd’hui qu’hier, les faux prophètes ne font défaut et Jésus nous apprend à les débusquer.

Le cœur des pères vers leurs enfants

Mardi, 12° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 1, 5-17) Quel heureux père et quelle promesse ! Il avait tous les honneurs du Temple, ce bon Zacharie, mais pas de fils. L’âge avançant, plus grand-chose à espérer. Mais c’était sans compter avec le temps de Dieu. Et voilà que son Seigneur soudain lui en donne un, et il en soigne l’annonce : en plein service du Temple, au moment sacré de l’offrande de l’encens. Zacharie ne se doutait de rien, tout à son office, où il donnait vraisemblablement le meilleur de lui-même. Et (pas moins que Marie !), une ambassade angélique vient à lui ! Pour le bon serviteur du Temple, une sacrée annonciation, très détaillée elle. Un garçon ! Il s’appellera Jean.

Ne jugez pas

Lundi, 12° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 7, 1-5) Un évangile qui essaie de nous parler depuis deux mille ans ! Et rien n’y fait ! On n’a pas vraiment progressé en deux millénaires ! On juge toujours, à tout va, tout le temps, tout le monde, partout. On aime tailler des costumes, et pas que dans les diners mondains. Dès qu’on évoque quelqu’un, c’est à ses dépens. La médisance aidant (un poison, aimait à rappeler le pape François), ce fameux laron hara, la mauvaise langue, dont nos frères juifs font un péché capital, personne ne trouve jamais grâce à nos yeux très « empoutrés » de critiques et d’insatisfaction permanente. Et si on essayait un jour d’appliquer littéralement la demande de Jésus ! Ne jugez pas !

Sainte imprévoyance

Samedi, 11ème semaine du temps ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 6, 24-34) A l’heure de l’assurance-vie, du capital santé ou du plan d’épargne retraite, les paroles de Jésus relèvent de l’insensé ! Un seul devoir pour les disciples du Christ, le « devoir d’imprévoyance », auquel Isabelle Rivière, qui n’avait rien d’une « fofolle », consacra jadis un fort beau livre.

Trésors sur la terre

Vendredi, 11ème semaine du temps ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 6, 19-23) Les trésors terrestres sont fragiles, périssables. Cette vérité, nous préférons souvent l’oublier. Jésus en appelle à notre expérience sensible pour nous réveiller. Les mites, la rouille, les voleurs : autant de réalités qui concrètement nous parlent. Toutes les sagesses veulent en convaincre, la peinture a même imaginé des Vanités. C’est assez d’engranger ! Il est temps d’éventer et d’honorer notre aire ! s’exclamait le poète Saint-John Perse au milieu du siècle passé. Toujours plus : telle est bien la loi de ce monde ! Oui, il s’agit de veiller sur tout ce qui pénètre par l’œil jusqu’au cœur - possession comme convoitise - pour s’y déposer et l’encrasser. L’enjeu est clair : Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. A quoi donc ressemblent aujourd’hui nos cœurs ?

Ne rabâchez pas !

Jeudi, 11ème semaine du temps ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 6, 7-15) Moins une injonction qu’un grand désir qu’il a dans le cœur : que notre prière ne soit jamais rabâchage, qu’elle soit vraie. Pas si simple. Bien sûr que le Notre Père peut finir par se fossiliser : on peut en effet le rabâcher ! Ou proportionner son efficacité à la quantité proférée. On ne dit pas Notre Père , on dit des Notre Père. Car comptabiliser, c’est rabâcher : c’est cela, être païen ! Être chrétien, c’est ne jamais compter. Et pas davantage les Notre Père ! Compte-t-on ses paroles d’amour ? Pour désensabler la source, il est toujours bon de relire dans l’évangile ces lignes où l’on voit Jésus lui-même nous le donner. Car il va jusque-là !

Au plus secret

Mercredi, 11ème semaine du temps ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 6, 1-6.16-18) Agir dans le secret. Le mot revient plusieurs fois dans la bouche du Christ, pour donner en leitmotiv la note exacte de l’attitude du vrai disciple. Est-ce à dire que l’Évangile promeut, sinon la cachotterie, du moins le retrait, la réserve ? A d’autres moments, le Christ demande à ses amis d’être aussi la lumière du monde. Faut-il donc manifester sa piété et sa charité ou au contraire les dissimuler ?

Davantage

Mardi, 11ème semaine du temps ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 43-48) Pieuse exhortation d’un doux rêveur que de nous appeler à la perfection de Dieu ? Vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. Ce sommet-là, parce que nous ne l’atteindrions jamais, est-il donc inutile d’en entreprendre l’ascension ? C’est que la perfection de Dieu n’est pas la somme de toutes les qualités imaginables. Ce serait là encore une perfection toute humaine. La perfection de Dieu, c’est son amour infini, infatigable, sa miséricorde, sa tendresse pour chacun de nous. Le Père de Jésus est parfait, parce qu’il nous aime d’autant plus que nous l’aimons moins. La perfection de Dieu dans laquelle nous sommes invités à entrer, à laquelle (c’est bouleversant !) Jésus lui-même nous appelle, parce qu’il la sait pour nous, c’est l’infini de l’amour.

Tends-lui encore l’autre

Lundi, 11ème semaine du temps ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 38-42) Tendre l’autre joue. Dans l’expression, devenue proverbiale, on s’attache trop à la deuxième joue, qui focalise l’attention et crée l’image d’un second coup : comme s’il s’agissait de bander stoïquement la volonté et se préparer à prendre aussitôt une claque supplémentaire. Dans l’autre joue , c’est moins le mot joue qui compte que le mot autre . Tends-lui encore l’autre , dit d’ailleurs le texte, sans répéter le mot joue. Il s’agit moins en vérité d’endurer héroïquement une seconde agression que de changer résolument de côté. D’inverser l’escalade de la brutalité, de passer sur un autre versant des choses, de changer de rive. Aucune passivité donc, mais une riposte, fondée sur le pari d’un déplacement possible de la violence.

Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit

Sainte Trinité (année C) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 3, 16-18) Une semaine après le don de l’Esprit à la Pentecôte, nous fêtons aujourd’hui la Trinité, c’est-à-dire la plénitude de la vie divine qui unit les trois Personnes en un seul Dieu. Parler de la Trinité n’est pas, frères et sœurs, une chose bien facile… Prêcher sur Noël, ou Pâques, ou sur n’importe quel épisode de la vie du Christ, est apparemment plus engageant. De fait, beaucoup de chrétiens éprouvent une difficulté à bien entrer dans ce grand mystère. On est toujours bien prêt à discuter de Dieu : le Père, on voit à peu près, il faut bien que Dieu soit, a minima, revêtu de son autorité. Le fils, encore mieux : étant entré dans notre monde, il porte un nom d’homme, il est d’emblée dans notre champ de vision et nous est assez proche pour que la relation avec lui soit presque naturelle. Quant à l’Esprit Saint, malgré le déploiement imagé des colombes ici et des langues de feu là pour le f...

Ne pas jurer du tout !

Samedi, 10° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 33-37) C’est une vieille habitude humaine. Si le Christ en parle, c’est qu’elle est de tous les calendriers. Comme si notre parole personnelle ne suffisait pas à elle seule à engager une affirmation, on jure. « Je te le jure, sur la tête d’un tel ! » Le tel en question ne sait d’ailleurs pas toujours qu’on lui accorde assez d’attachement pour mettre sa tête en balance ! Pourquoi Jésus s’occupe-t-il de ces affaires humaines et de notre propension à jurer. La question est-elle essentielle ? N’a-t-il pas des choses plus importantes à nous faire entendre ? Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas jurer du tout. Du tout ! Sans doute parce que lui seul sait le prix des choses, êtres et lieux, sur lesquels avec légèreté et un peu hâtivement nous jurons. En jurant, nous gageons le visible, mais il nous révèle à quel point nous engageons aussi l’invisible : « le trône de Dieu » ...

Eh bien ! moi je vous dis

Vendredi, 10° semaine du Temps Ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 27-32) Par deux fois, avec la reprise de cette expression, Jésus dit explicitement qu’il nous parle. Il exhibe d’assumer son point de vue, théâtralise presque sa singularité. Eh bien ! moi je vous dis … Par cette petite phrase, il donne la clé : moins qu’énoncer un nouveau précepte moral, c’est un régime nouveau qu’il inaugure. Il s’agit moins d’augmenter le niveau d’exigence que d’intensifier le taux d’amour. Eh bien ! moi je vous dis … Il met en vérité du volume, et dans nos affaires conjugales, à cause de son nom ( moi, je vous dis), il nous engage en son nom à passer au régime supérieur. Car son affaire n’est pas la convenance morale mais la sainteté. Et le mariage, plus qu’un usage social à bien régler, en devient alors un très éminent et très émouvant chemin.

Jusqu’au dernier sou

Jeudi, 10 e semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 20-26) Tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou. Est-ce vraiment Jésus qui parle, ou un créancier impitoyable, qui monnaie au centime près la moindre remise de peine, sanctionne sans prescription ni amnistie tout manquement à la charité ? Jésus se montre apparemment impitoyable. Obtenir quitus pour entrer dans le Royaume des cieux supposerait donc des conditions drastiques. De fait, Jésus énumère les grandes exigences de la justice divine. Est-ce pour nous menacer, nous effrayer ? En vérité, l’urgence est davantage de nous appeler. « J’ai soif ! » dira-t-il à la Croix. Plus que de notre perfection morale, il a soif de notre amour, sans mesure. Il ne peut se résoudre à ce qu’il reste dans nos vies le moindre obstacle à la sainteté, comme un dernier sou toujours à donner. Ces paroles montent du cœur de Dieu, qui a créé l’homme dans une capacité de ...

Accomplir

Mercredi, 10e semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 17-19) Parlant ici explicitement de la loi juive, des commandements et de tout ce que les Prophètes ont fait entendre de Dieu, Jésus le dit très clairement : Je ne suis pas venu abolir mais accomplir . Cette parole de Jésus ferme définitivement la porte à tout marcionisme. Mais peut-être est-elle bien davantage qu’un simple éclairage théologique décisif sur les rapports entre la première et la seconde alliance. Cette parole livre quelque chose de plus profond du cœur de Dieu et de son dessein d’amour sur les hommes. Elle révèle un peu de son mystère, du mouvement même de son être, qui est de toujours venir, et advenir. Oui, Dieu est celui qui vient, celui qui est venu et qui viendra encore. Dieu vient, mais pour quoi ? Abolir n’est pas et ne sera jamais son mot. Comme si, pour le salut des hommes, le Dieu créateur ne travaillait jamais par la destruction totale...

« Vous êtes » ! Le sommes-nous ?

Mardi, 10e semaine du temps ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 13-16) N’y aurait-il pas aujourd’hui comme une arrogance pour les chrétiens à se prendre pour « le sel de la terre » et « la lumière du monde » ? Ont-ils toujours voix au chapitre, tolèrera-t-on que dans les affaires du monde, ils mettent encore leur « grain de sel » ? Hommes parmi les hommes, ils ne sont pas irréprochables, loin s’en faut. Voilà une assurance qui ne semble plus guère de mise… Les paroles du Christ sont-elles donc périmées ? Si encore il parlait au futur, s’il en faisait un souhait, ou une promesse, on pourrait y travailler et tâcher de l’être davantage, un jour. Mais il parle au présent : vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde ! Comment l’entendre ? Évidemment pas comme un marqueur de supériorité, ni une prérogative mais comme un encouragement vivifiant, et une urgence ! Car le monde, qui va mal, a besoin de bon sel pour que les homme...

Inclinant la tête, il remit l’esprit

Lundi, 10 e semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 19, 25-34) Un vendredi bien noir au Golgotha. Point culminant de l’agonie, c’est donc à cet instant-là qu’il va mourir. Dieu fait homme va achever ici sa vie terrestre. Il meurt d’une mort qui n’est pas d’accident, simple dénouement tragique d’une histoire qui a mal tourné : il remet l’esprit , écrit Jean. Quelle est belle, cette façon qu’a l’évangéliste de le dire : Pas seulement un délicat euphémisme pour atténuer la crudité d’un « il mourut », le moment n’est à au style ni à la littérature. Il remit l’esprit . C’est qu’il a donné sa vie, toute sa vie : à cet instant, il donne aussi son esprit, redonne tout ce qui lui restait : ce dernier petit filet de vie, épuisé de souffrance, ce tout petit souffle d’esprit qui l’a maintenu libre jusqu’à l’extrême dans l’offrande de lui-même. Il remit son esprit . Jusqu’au bout, le Christ décidément est toujours celui qui remet. Sa mort n’es...

Ces autres choses que Jésus a faites

Samedi, 7 e semaine du Temps Pascal Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 21, 20-25) Comment mettre un point final à une telle aventure ? Une fin d’évangile assez touchante, sans grandiloquence pour un final, plutôt un brin d’humour : d’abord la relation du petit malentendu sur le sort de Jean. Pierre sentait bien un truc autour de ce disciple bienaimé, une intimité entre lui et Jésus et n’a pas su contenir sa curiosité. Lui connaît sa propre mission mais celle de Jean ? D’où sa demande de complément d’information : quelle place à venir pour lui dans le plan de Dieu, que lui arrivera-t-il ? Pierre est du genre à organiser, à savoir qui fait quoi ! Mais Jésus le rabroue gentiment et reste évasif, s’amusant presque de la surinterprétation qu’il va provoquer, et des bruits qui vont courir ! Et Pierre, une fois encore, a tout faux !

M’aimes-tu ?

Vendredi, 7 e semaine du Temps Pascal Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 21, 15-19) Ce qui est si bouleversant dans l’échange au bord du lac, et que perd la traduction française, ce sont les différents verbes aimer qu’utilise Jésus pour les trois questions réparatrices offertes à Pierre. À la première question, comme à la deuxième, Jésus démarre vraiment très haut : Pierre, m’aimes-tu, m’aimes-tu d’un amour fou (agapè) ? Et Pierre, soit parce qu’il n’entend pas la soif de Jésus, soit parce que cette fois, il est prudent, répond plus modestement : mais oui, seigneur, je t’aime bien , j’ai de l’affection pour toi (philia). Jésus lui refait sa demande. Seconde question, identique à la première. Mais, délicatesse émouvante : à la troisième question, Jésus n'insiste pas, il dépressurise. Comme pour ne pas mettre Pierre en difficulté, il descend alors lui aussi à une mesure plus modeste de l’amour : m’aimes-tu bien , as-tu de l’af...

Jésus priait

Jeudi, 7ème semaine du Temps Pascal Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 17, 20-26) Est-il passage d’évangile qui nous fasse entrer plus pleinement dans la prière de Jésus et dans la communion du Fils avec son Père ? Le plus bouleversant, c’est de mesurer à quel point les hommes sont au cœur de ce colloque intime. Autant les contemporains de ce moment unique que tous ceux qui viendront jusqu’au dernier soir du monde. A la bouche comme au cœur, Jésus n’a décidément que l’homme. L’homme en général ? Gageons que le nom de chacun de nous alors a été prononcé !

Garde mes disciples unis

Mercredi, 7e semaine du Temps Pascal Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 17, 11b-19) Le Christ parle de nous à son Père avec une infinie sollicitude, presque comme une mère ou un père au seuil de sa mort confierait ses petits à quelqu’un de confiance.   J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu .  Aucun, ou presque… C’est que la liberté humaine reste entière. On pense évidemment à Judas. Mais on ne saura jamais si le désespoir a vraiment eu le tout dernier mot. Cette petite phrase de Jésus permet peut-être d’en douter…

Je prie pour eux

Mardi, 7 e semaine du Temps Pascal Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 17, 1-11a) Dans toutes les traditions religieuses et quel que soit le Dieu vers lequel elles se tournent, on retrouve la prière, comme une constante. Dans la plupart des cultures, la prière est la condition de toute vie spirituelle et une vertu anthropologique dont on mesure bien les bénéfices humains. La vraie prière décentre de soi, intériorise, ouvre à la gratitude d’être et, en reconnaissant une autorité supérieure à laquelle elle s’adresse, fixe des limites à la tentation de la toute-puissance humaine. La prière authentique est bonne en soi, et si Dieu la réclame, c’est peut-être moins pour lui qui n’en a guère besoin que pour ce qu’elle apporte à ceux qui la pratiquent. On comprend bien la place qui est la sienne dans beaucoup de religions. La prière est donc l’affaire des hommes. Mais peut-elle être aussi l’affaire de Dieu ?

L’heure vient, elle est déjà venue

Lundi, 7° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 16, 29-33) Il faudra savoir ! Soit elle vient, soit elle est venue ! Principe de non-contradiction, sur lequel des esprits trop logiques achopperont. En vérité, l’air de rien, cette petite incise dans le discours poignant de Jésus à ce moment-là est une révélation discrète mais vraiment cruciale. Cette heure qui vient , c’est sa passion, bien sûr, c’est l’événement historique d’un noir vendredi au Golgotha où sur une croix, Dieu fait homme va donner sa vie. Oui, cette heure-là est désormais imminente, elle approche. Mais ce moment tragique n’est pas un accident, ni le triste dénouement d’une affaire qui a soudain mal tourné. Elle est le fruit mystérieux d’un don éperdu de Dieu qui remonte loin, si loin. La Croix n’a pas attendu la Croix, le don fou d’amour de Jésus n’a pas attendu le final de sa mise à mort. Cette heure, le savions-nous assez, était là, elle était déjà ...

Visitation

Samedi, 6° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 1, 39-56) Les peintres ont aimé s’arrêter sur cette accolade prophétique des deux femmes au seuil de la maison de Zacharie. La vierge et la stérile, chacune selon son ordre, porte mystérieusement la vie du monde à venir. Quelle est belle la course de la fille d’Israël à travers les collines de la montagne de Judée pour rejoindre la maison de sa cousine ! A peine reçue la salutation divine, elle se met en chemin, « rapidement » dit l’évangile. Élan spontané d’amour, désir de servir son aînée. Mais plus profondément en elle, la hâte secrète du sauveur lui-même à parcourir déjà les routes des hommes et à entrer dans leur maison. Oui, sans délai, à peine engendré, la charité pressante du Christ a soif de franchir le seuil de nos demeures comme de nos cœurs. Divine impatience, dont Marie est comme traversée. C’est que le salut n’attend pas. Bien sûr il faudra demeurer c...

Vous ne me poserez plus de questions

Vendredi, 6° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 16, 20-23a) Si l’heure était moins grave, on serait tenté d’y entendre un peu d’humour, dont Jésus parfois ne manque pas. Ouf ! En ce jour-là, enfin finies les questions ! Ma mission d’y répondre, épuisante, prendra fin. Congé donné à la discutaille ! Jésus est-il fatigué de nos questions ? Humainement, au long des chemins de son existence, la fatigue ne l’a sans doute pas épargné… et certains jours, pas davantage les questions des disciples, surtout les mauvaises, celles qui révèlent que malgré tous ses efforts, ils sont encore à côté de la plaque. Quand prendras-tu le pouvoir sur l’occupant romain ? Qui parmi nous sera le mieux placé dans le Royaume ? (Il n’y avait sans doute pas que les mères qui s’en occupaient pour les fils) ? Certaines de nos questions avaient de quoi le fatiguer. En vérité, aucune ne fatigue jamais Dieu, qui y voit toujours une occasion. En bo...

Il fut enlevé au ciel

Ascension Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 24, 46-53) Annonciation et Ascension : deux fêtes en regard, magnifiques, pour nous révéler en Dieu le mystère d’une pulsation secrète : venir d’abord, partir ensuite. Descendre jusqu’à nous, au plus bas, puis monter au Ciel, au plus haut. Un unique mouvement divin. Pour clore le récit de l’Annonciation, une petite phrase presque insignifiante portait déjà quelque chose du mystère de l’Ascension : Alors l’ange la quitta . Vient toujours le moment, même pour la Vierge Marie, où Dieu nous laisse avec nous-mêmes. Moins un abandon qu’un retrait nécessaire, le tsimtsoum juif, pour nous inviter à jouer librement notre partition. Au moment même où il engageait sa venue, par l’intercession de l’ange, Dieu creusait aussi son départ. De même, à l’Ascension, quand le Christ est élevé de la terre des hommes, à l’inverse, il ne s’agit pas seulement de nous quitter, afin que l’histoire de l’Église librement comme...

Beaucoup de choses à vous dire

Mercredi, 6° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 16, 12-15) J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter . Parole originelle de Dieu, déjà présente dans son cœur au premier jour du monde. Car que disait-il à Adam et Eve, en leur offrant sans réserve l’usage de l’arbre de la Vie, et en les restreignant prudemment sur la consommation de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ? Quelque chose comme : il y a dans cet arbre-là beaucoup de connaissances que j’aurai à vous partager, mais pour l’instant, dans votre croissance humaine qui commence, vous n’avez pas encore la force de les porter toutes. Faites-moi confiance, je bénis la croissance de votre intelligence jusqu’à ce jour où, de cet arbre, vous pourrez alors manger sans danger ni risque d’en mourir. Ce trop-plein du cœur de Dieu, qui a toujours tant à nous dire, éclaire le projet d’Alliance entre lui et les ho...

La tristesse remplissait leur cœur

Mardi, 6° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 16, 5-11) Fin du repas. Il est poignant, le désarroi des apôtres à ce moment-là. Judas vient de quitter la table pour aller faire son sinistre ministère. Tous sentent bien que quelque chose se prépare, ils ne savent pas bien quoi. Jésus alors s’est levé, et les a regardés longuement ; avec une audace bouleversante, il les apostrophe d’une tendresse qu’il ne contient plus : Petits enfants ! Avec une gravité inhabituelle qu’ils perçoivent tous, il les avertit clairement : c’est pour peu de temps que je suis encore avec vous (Jn, 13, 33). Au pic de l’amour et montant déjà sur une croix que lui seul connaît, il va soudain leur parler comme peut-être il n’a jamais parlé. Un discours qui n’en finit pas. Un discours les larmes aux yeux. Une avalanche d’explications, de révélations, où dans des mots d’homme à hommes, il leur donne alors tout de son mystère, comme il va bientô...

A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père

Lundi, 6° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 15, 26 – 16, 4a) Dans l’ancienne traduction du lectionnaire, on faisait systématiquement commencer l’évangile de tous ces jours-ci par : À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père… Dans Jean, évidemment, la formule n’était pas autant répétée. On a renoncé dans la nouvelle version à cet ajout liturgique quotidien, qui aidait les fidèles à bien situer le moment de ces paroles de Jésus. On a perdu ce précieux complément circonstanciel de temps, scansion utile à contextualiser, à dramatiser les phrases du Christ. Toutes ces paroles intenses et bouleversantes de Jésus, comme un trop plein de son cœur qui en déborde à ce moment-là, c’est précisément quand il arrive au bord de l’abîme qu’il veut les donner. À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père. Quelques lignes chaque jour suivaient ensuite, comme un testament, solennel et décisif. Mais c’était aussi ...

Il fut enlevé au ciel

Ascension Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 24, 46-53) Annonciation et Ascension : deux fêtes en regard, magnifiques, pour nous révéler en Dieu le mystère d’une pulsation secrète : venir d’abord, partir ensuite. Descendre jusqu’à nous, au plus bas, puis monter au Ciel, au plus haut. Un unique mouvement divin. Pour clore le récit de l’Annonciation, une petite phrase presque insignifiante portait déjà quelque chose du mystère de l’Ascension : Alors l’ange la quitta . Vient toujours le moment, même pour la Vierge Marie, où Dieu nous laisse avec nous-mêmes. Moins un abandon qu’un retrait nécessaire, le tsimtsoum juif, pour nous inviter à jouer librement notre partition. Au moment même où il engageait sa venue, par l’intercession de l’ange, Dieu creusait aussi son départ. De même, à l’Ascension, quand le Christ est élevé de la terre des hommes, à l’inverse, il ne s’agit pas seulement de nous quitter, afin que l’histoire de l’Église librement comme...

Appartenir au monde

Samedi, 5° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 15, 18-21) Ne pas appartenir au monde ! Si la séparation est mue par l’arrogance, la méfiance ou le mépris, une telle invitation de Jésus peut être mal comprise et certaines attitudes qui en découleraient peu évangéliques. Les disciples de Jésus n’ont pas vocation à être « ailleurs », plus « haut », plus dans la « pureté » ou la « vérité », au nom desquelles tout ce qui serait « le monde » serait du coup mauvais. Ne pas appartenir au monde, ce n’est pas rêver de le fuir, encore moins le haïr. Le monde comme il va, souvent mal, reste le fruit de la création de Dieu, et il continue à le soutenir dans l’être. En un sens, il est confié à notre sollicitude. Moins à fuir, en vérité, qu’à aimer. Le Christ lui-même, pendant trente années, n’a rien fait qu’être discrètement présent à ce « doux royaume de la terre » comme disait Bernanos, qui n’est pourtant doux qu’à certai...

Comme je vous ai aimés

Vendredi, 5° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 15, 12-17) Qu’il faille nous aimer les uns les autres ne va peut-être pas de soi pour tous. Il n’empêche. Ce commandement de Jésus reste un précepte moral assez universel, dont le christianisme n’a pas le monopole. On sait bien que dans le cœur de l’homme, il peut y avoir le pire, mais il y a aussi et souvent le meilleur. Notre monde a beau s’enliser dans l’individualisme, l’égoïsme consumériste ou le fanatisme, le cœur profond des gens se rebiffe volontiers là contre : au plus profond, la générosité souvent demeure. L’amour du prochain, malgré les folies qui en détournent, ne se perd pas si facilement. C’est heureux. Il est parfois dans l’Évangile des prépositions, des conjonctions, de petits mots en somme qui passeraient facilement inaperçus dans une phrase et auxquels on prête une attention relative mais qui secrètement pèsent pourtant de tout leur poids. Ainsi Jés...

Comme le Père m’a aimé

Jeudi, 5° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 15, 9-11) Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés . Dans ce passage de Jean , Jésus ne sait plus comment s’y prendre pour nous faire approcher d’un mystère d’amour que les mots de notre humanité peinent à contenir, et à dire. Pourtant, il ne se résigne pas. Il assume toutes les répétitions, il essaie de faire jouer toutes les analogies. Aurons-nous ainsi mieux idée de la mesure de son amour pour nous s’il le compare à la mesure de l’amour du Père pour lui, dont nous n’avons guère plus idée ? En vérité, elle est étrange, cette affirmation au passé : comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés . Un passé qui ne peut désigner ici un temps révolu, qui ne fait pas mémoire d’un souvenir disparu. Plus loin, il retrouve lui-même le beau présent d’éternité : je demeure dans son amour , comme vous pouvez demeurer aussi dans le mien. Pourquoi alors conjuguer la ph...

Demeurez

Mercredi, 5° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 15, 1-8) A l’école du bien écrire et du bien parler, une des premières leçons, élémentaire, de l’art rhétorique, c’est d’éviter les répétitions. Mais il est des exceptions de taille ! Dans ces quelques première lignes du chapitre 15 de Saint Jean, Jésus s’affranchit ostensiblement de l’usage. Sous la pression de quelle urgence utilise-t-il huit fois le verbe « demeurer », qui scande le passage de son obsédant retour pour en constituer la basse continue ? Une répétition qui s’entend en vérité comme un cri d’amour. Car il sait bien que nous sommes comme des

Plus beaucoup

Mardi, 5° semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 14, 27-31a) Désormais, je ne parlerai plus beaucoup avec vous, car le prince du monde va venir . C’est donc que les événements vont se précipiter. Est-ce seulement temporel ? Est-ce l’imminence de l’arrestation qui va empêcher les échanges ? Un « car » en vérité bien déroutant, qui établit ici, de fait, un lien mystérieux entre le relatif silence de Jésus et la venue du prince de ce monde. Non pas que Jésus craigne en quoi que ce soit d’être entravé à l’avenir par le promoteur du mal, ni empêché par celui qui toujours tente de barrer aux hommes le salut. Il le dit lui-même, il n’y a rien en lui qui puisse lui « donner prise ». Dans le déroulement de l’histoire sainte et dans l’économie du salut, plutôt une concomitance mystérieuse : le moment venu, comme un nécessaire retrait de Dieu, une entrée en silence, une grande discrétion, assumée. Une impressionnante « rése...

Fidélité

Lundi, 5° semaine semaine du Temps Pascal (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 14, 21-26) A la question de Jude, une curiosité plus qu’une question, Jésus ne répond pas. A l’heure où il va passer de ce monde à son père, le temps et les mots lui sont comptés. De ses dernières paroles, qu’il donne à ses disciples mais aussi au monde entier (voilà pour la question), il n’est pourtant pas avare. Des mots reviennent, il semble les peser, les marteler même. Ils ont sans doute leur poids de gravité. Aujourd’hui, par trois fois, il nous appelle à garder sa parole . Certaines traductions, moins bonnes, disent de lui « être fidèle ». La fidélité oui, mais pas seulement comme une vertu que l’on aurait plus ou moins. La fidélité comme une mission. Le texte grec de l’évangile n’utilise de fait pas un verbe d’état mais un verbe d’action qui signifie « veiller », « avoir la garde de », « conserver » et « pratiquer » tout à la fois. Oui, reconnaisso...

Qui m’a vu a vu le Père

Samedi, 4ème semaine du Temps Pascal Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 14, 7-14) Émouvant Philippe ! A la promesse de Jésus, il vibre ! Sa curiosité est en éveil. Vous connaîtrez aussi mon Père  ! Quand on aime quelqu’un, on a de fait envie de connaître ses amis, ses parents. La perspective est séduisante. Qui donc est ce Père dont Jésus parle quelquefois et qui n’a plus à voir avec le bon Joseph de l’enfance ? Comme si Jésus le cachait quelque part, et n’avait le moment venu qu’à lever un secret. Affaire de localisation. Montre-nous ce Père, oui ! Dis-nous où il est. Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père  :