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Ces gamins qui jouent de la flûte…

Vendredi, 2° semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 11, 16-19) Pourquoi donc aller chercher cette histoire de gamins assis sur des places qui en interpellent d’autres , pour nous réveiller de nos inattentions ? Pour nous arracher au « cause toujours ! », désensabler en nous la disponibilité à bien entendre et à bien comprendre, quelle curieuse comparaison ! Et à qui ressemble cette génération , celle du temps de Jésus, mais aussi la nôtre, puisque la richesse du démonstratif permet de jouer de la double référence ? Plutôt à ces sales gamins, les autres, ceux qui sont interpelés parce qu’ils n’en font jamais qu’à leur tête, bornés et définitivement à côté de la plaque ? Ou, sur la même place, assis à leurs côtés, à ces vivants enfants qui passent leur temps à jouer de la flûte et chanter des lamentations ?

Avoir des oreilles

Jeudi, 2° semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 11, 11-15) Reconnaissons-le, l’injonction a des allures de lapalissade : Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! On prête du coup peu attention à cette formule un peu rhétorique qui valorise ce qui précède pour simplement le souligner et conclure. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! Dans la bouche du Christ, la formule ne donne pas congé, elle est un appel. Elle n’est pas une variante du presque désinvolte « A bon entendeur, salut ! », qui se désintéresse finalement de son interlocuteur en le renvoyant à sa seule liberté. C’est Jésus qui parle, avec l’intensité douloureuse de celui qui sait déjà tous les mal-entendus à venir.

Prenez sur vous mon joug

Mercredi, 2° semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 11, 28-30) La physique christique peut dérouter : Jésus propose de nous soulager de notre fardeau en prenant son joug. Prenez sur vous mon joug. Échange troublant, quand on sait ce qu’est le sien ! A première vue, quelle que soit la lourdeur de ce que nous portons visiblement ou invisiblement dans nos vies (Dieu sait si, dans certaines existences, la vie pèse), sur la balance, aucun joug humain, si écrasant soit-il, ne contrebalancera jamais le joug divin, qui va jusqu’à la Croix. Dans ces quelques lignes, qui promettent pourtant le repos, Jésus ne dit pas qu’il prendra sur lui notre joug. Il ne fait que nous demander de prendre le sien.

Les brebis perdues

Mardi, 2° semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 18, 12-14) A l’instar de Jésus, le pape François qui n’avait pas sa langue dans sa poche déclara un jour : aujourd’hui, à la différence de la parabole de la brebis perdue, l’Église a une brebis et… il en manque 99 ! C’est vrai que quasiment toutes les brebis sont parties vivre leur vie loin du berger ! De quoi déprimer ? De quoi être tenté aussi ! Car, ajoute-t-il avec lucidité : il est plus facile de rester chez soi avec la brebis unique, de la caresser, de la brosser. Et de conclure, non sans humour : le Seigneur nous veut pasteurs, pas brosseurs !

Sans le péché, mais pas sans liberté

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Immaculée Conception de la Vierge Marie Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 1, 26-38) « Alors l’ange la quitta ». Avons-nous assez prêté attention à cette petite phrase, propre à passer inaperçue, et dont le rôle semble n’être que de donner sa conclusion, en forme de clausule, à l’épisode si connu et si intense de l’Annonciation. Alors l’ange la quitta. Il est vrai que les effractions angéliques n’ont pas vocation à durer dans le temps humain. Délicatesse de Dieu quand il se manifeste à nous : il ne s’attarde pas. Il dit l’essentiel, s’assure de la vérité de la rencontre et de l’authenticité de l’Alliance. Sans plus. Ni tambours ni trompettes. Aucun bavardage superfétatoire. Faut-il regretter qu’il soit dans les mœurs divines de ne pas s’attarder ? On imagine, le moment de la surprise passée, l’intensité de l’émotion retombée, le désarroi de cette si jeune fille. Tout a dû se passer très vite… N’aurait-elle pas rêvé ? La sol...

Toutes les villes et tous les villages

Samedi, 1ʳᵉ semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 9, 35 – 10, 1.5a.6-8) Cette promesse, elle remonte loin dans le cœur de Dieu. Cette sollicitude pour le genre humain, on la trouve tôt dans la Bible. Le livre d’Isaïe déploie magnifiquement la façon dont Dieu ne fait peut-être rien d’autre que de préparer ce jour où il pansera les plaies de son peuple et guérira ses meurtrissures . Est-ce un hasard si, au début de son ministère, Jésus semble tomber soudain dans la suractivité ? Il parcourait toutes les villes et tous les villages, enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute infirmité. Dans cette activité tous azimuts, il veut aussi entraîner

Selon votre foi

Vendredi, 1ʳᵉ semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 9, 27-31) Cet évangile ? Le prototype même de la guérison ; en un sens, l’archétype du miracle. Tous les ingrédients y sont. On a une infirmité : des aveugles, deux même qui suivent Jésus. Ils n’ont rien à perdre et, comme souvent, tentent le coup ! Prends pitié de nous, fils de David  ! Ils interpellent Jésus en l‘apostrophant d’un titre qui signe le lignage sacré, et sans doute, selon eux, le pouvoir. Stratégique, et bien joué. Une fois dans la maison, ils s’approchent. Jésus sonde alors leur foi, éprouve leur confiance en lui, puis les touche. Le contact, apparemment nécessaire, opère alors : leurs yeux s’ouvrirent. Au rayon des miracles, un classique donc, jusqu’au dénouement qui en évoque d’autres : Jésus en appelle à leur discrétion, et évidemment, nos deux miraculés ne tiennent pas leur langue. On a l’impression de connaître l’histoire, et on risque de recevoir l’évangil...

Mettre en pratique

Jeudi, 1ʳᵉ semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 7, 21.24-27) De ce monde, Dieu fait homme connait bien la physique. Pas seulement parce qu’il est Dieu et l’a créé : pendant de longues années, dans l’établi de Joseph, en charpentant les solives, il en a médité longuement les lois. Aussi est-ce en bon architecte qu’il imagine cette parabole, pleine de bonne sagesse constructive. Mieux vaut bâtir sur le roc que sur le sable, et toutes les tempêtes de la terre le confirmeront. Dont acte. Mais là n’est pas la pointe de la parabole. Quel est donc ce roc sur lequel bâtir sa vie ?

Quelques petits poissons

Mercredi, 1ʳᵉ semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 15, 29-37) Asseyons-nous un instant à côté de Jésus, tout au sommet de la montagne. Que regarde-t-il et à quoi pense-t-il ? Il voit le monde d’abord. Ce beau lac de Galilée en contrebas, les collines alentour, le désert à l’horizon. Comme il a dû s’arrêter souvent en contemplation devant cette création qui n’a pas de secret pour lui mais qu’il regarde avec un œil clair et ouvert comme personne. Il voit les hommes ensuite. Cette grande foule qui vient à lui, ambassadrice de notre pauvre humanité dont elle décline toutes les misères : boiteux, aveugles, estropiés, muets : elle est bien longue la liste de nos infirmités. Ses mots alors prennent du poids :   Je suis saisi de compassion pour cette foule . Rien d’une petite sympathie passagère et facile, mais la grande sollicitude

Exulter de joie

Mardi, 1ʳᵉ semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 10, 21-24) Dans les paroles que Jésus adresse à l’un ou l’autre, il y a parfois l’envers d’une souffrance, secrète et retenue : quand les plus proches de ses disciples ne le comprennent pas vraiment, quand il compatit à notre misère et se désole de la part que nous prenons à notre péché, ou quand il voit qu’il n’échappera pas aux injures ni à la mort. La Croix pour lui commence bien avant la Croix. Et à qui sait entendre, malgré la pudeur du Dieu fait homme, la passion s’annonce dans maints passages d’Évangile. Mais il arrive aussi que les mots montent à sa bouche sous l’irrépressible motion de la joie, l’autre trop plein de son cœur.  Jésus*,* exultant *de joie sous l’action de l’Esprit saint,* nous fait entrer aujourd’hui dans sa prière, mais plus encore que dans des mots ou des idées, il nous introduit dans sa joie. N’est-ce pas bouleversant, à ce moment d’Évangile, de voir

Le soldat romain inconnu

Lundi, 1ʳᵉ semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 8, 5-11) On ne saura jamais son nom. Il était centurion de l’armée romaine. A ce moment inouï de l’histoire du monde, lui aussi était dans les parages de Jésus. En Palestine donc, avec sa centurie où, en bon officier qu’il était, il prenait soin de ses gars, une petite centaine de soldats, et aussi de quelques serviteurs. On imagine un homme bon, juste, un de ces anonymes à la vie ordinaire dont personne ne remarque bien la profondeur de cœur. C’est son cœur justement, boussole invisible de son existence, qui l’avait conduit jusqu’à ce jeune rabbi dont il devait pressentir le mystère. En outre, il y avait urgence ; son serviteur est malade. Pour son propre compte, il ne se serait peut-être pas dérangé… Quelques paroles échangées entre lui et Jésus. Rien de bien exceptionnel en vérité, mais à travers les mots simples de cet homme qui n’est même pas juif, on est, comme Jésus, bo...

Quelques petits poissons

Mercredi, 1ʳᵉ semaine de l'Avent Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 15, 29-37) Asseyons-nous un instant à côté de Jésus, tout au sommet de la montagne. Que regarde-t-il et à quoi pense-t-il ? Il voit le monde d’abord. Ce beau lac de Galilée en contrebas, les collines alentour, le désert à l’horizon. Comme il a dû s’arrêter souvent en contemplation devant cette création qui n’a pas de secret pour lui mais qu’il regarde avec un œil clair et ouvert comme personne. Il voit les hommes ensuite. Cette grande foule qui vient à lui, ambassadrice de notre pauvre humanité dont elle décline toutes les misères : boiteux, aveugles, estropiés, muets : elle est bien longue la liste de nos infirmités. Ses mots alors prennent du poids :   Je suis saisi de compassion pour cette foule . Rien d’une petite sympathie passagère et facile, mais la grande

L’une est prise, l’autre laissée

1er dimanche de l’Avent, Année A Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 24, 37-44) Dieu n’a rien vraiment rien contre l’insouciance, au contraire. Mais (et l’évangile est là aujourd’hui pour nous le redire) il y a visiblement insouciance et insouciance ! Oui, deux formes d’insouciances, à l’évidence. À l’extérieur, elles ne laissent pas percevoir beaucoup de différence, comme ces deux femmes au moulin en train de moudre, si semblables apparemment. Qui pouvait imaginer ce qui allait arriver, quand on nous dit que l’une est prise, et l’autre laissée . Il y va évidemment de leur vie profonde, de l’état d’avancée secrète de leur cœur ; à l’intime, de la santé de leur vie spirituelle, bien plus que du caprice aléatoire d’un Jugement dernier que Dieu exercerait puissamment et arbitrairement, en prédestinant les uns et pas les autres. Car l’une, (le sait-elle ?) est dans l’insouciance de la confiance , que rien ne surprendra jamais tant elle est remise à Dieu, p...

Comme un filet

Samedi, 34° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 21, 34-36) « Comme un filet, il s’abattra sur tous les hommes de la terre » . L’image empruntée au vocabulaire de la chasse peut faire un peu peur. Faut-il vivre dans la crainte d’être un jour la proie de l’assaut inopiné d’un Dieu, qui, pour l’heure embusqué, finirait par nous attraper soudain comme le chasseur sa victime ? Quel est-il, ce filet auquel aucun homme n’échappera ? Dans quoi serons-nous pris alors ? Accédant à la claire vision des choses, nous n’échapperons pas aux mailles de sa justice infinie, au tressage serré de sa miséricorde. Face à la vérité de nos actes, nous ne pourrons plus fuir. Devant le vrai visage enfin découvert de celui qui nous a créés et nous attend pour l’éternité, nous ne pourrons nous détourner. Tel est le filet. Un allégement de la grâce qui soulèvera le monde dans un dernier sursaut et révèlera alors les lourdeurs de notre cœur. Débauc...

Voyez le figuier et tous les autres arbres

Vendredi, 34° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 21, 29-33) Bien lire les signes et les interpréter ! Dieu ne promeut guère les arts divinatoires, mais encourage notre vigilance. Il désire notre attention, vraie et profonde. Pas de don particulier de voyance requise, seulement cette belle sagesse humaine de ceux qui habitent intensément le monde et en savent les lois (le bourgeonnement du figuier, annonciateur de l’été !) Et une espérance suffisante pour avoir l’œil sur toute forme d’imminence et ses prémices, que seul donne le désir. De la fin des temps, il s’agit à chaque époque de se sentir proche . D’avec ce qui va arriver, Jésus ne nous parle pas tant d’une proximité chronologique à calculer, que d’une certaine intimité à trouver. Du terme du monde comme de nos vies, savoir être proche , comme on l’est de son prochain . Et pour cela ? Voyez le figuier et tous les autres arbres. Regardez-les ! À la proue des temps messiani...

Redressons-nous et relevons la tête

Jeudi, 34° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 21, 20-28) Ce seront des jours où justice sera faite pour que soit accomplie toute l’Écriture. La sensibilité moderne, avouons-le, butte sur cette phrase. Quelle est donc cette justice de Dieu qui passe par tant de calamités, de perturbations cosmiques et humaines, tant de violences aveugles et déchaînées ? Même en comprenant bien que Dieu ne programme pas tout cela, que tout au plus, par respect des libertés humaines et de l’ordre du monde, il laisse s’accomplir l’histoire jusqu’à son terme, conformément à l’Écriture, pour l’arracher in fine au pire, quelque chose en nous pourtant résiste. On peut douter, moins de Dieu lui-même d’ailleurs, que de son plan. Était-il vraiment le bon ? Comment dès lors bien lire ce passage d’Évangile ? Le choisirait-on pour animer un groupe de prières ? On est plutôt tenté de le laisser aux scénaristes des films catastrophes d’Hollywood, ou aux...

Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu

Mercredi, 34° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 21, 12-19) Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. L’image est belle, et la promesse bienvenue. Après l’inventaire des perspectives si peu engageantes auxquelles les disciples de Jésus sont promis, l’engagement divin est réconfortant. Loin de toute comptabilité exclusivement capillaire, l’expression est éloquente, clairement métaphorique, pour nous assurer de la justice ultime de Dieu. Le moment viendra où il vaincra nos adversaires et, tenant toute chose entre ses mains, ne laissera rien se perdre de nos vies. Est-ce seulement une image, trop claire pour ne pas s’y arrêter ? Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. N’est-ce pas davantage qu’une image ? Peut-être une confidence. Un aveu discret sur la façon dont Dieu veille littéralement sur nous. Comme si Dieu nous révélait là que sa sollicitude ne nous prend jamais en bloc, « grosso modo ». Il ne nous envisage pas d...

Il faut que cela arrive d’abord

Mardi, 34° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 21, 5-11) Il faut que cela arrive d’abord . Sous l’effet d’une morale doloriste qui n’envisage le réconfort qu’après l’effort, mieux encore, après l’épreuve, la formule semble ressortir d’un Dieu un brin sadique, qui n’interviendra pour finir qu’après avoir bien laissé le monde à ses catastrophes généralisées. Quelle nécessité à ce que cela arrive d’abord ? Dieu ne peut-il épargner l’histoire humaine ? Certes, l’affirmation de Jésus ne vise peut-être qu’une nécessité extérieure à lui, contingente à son dessein divin, simple constat prophétique dont il n’est en rien la source : l’exercice de votre liberté en fera passer le monde par-là, je le sais, je vous l’annonce, je le regrette… Interprétation rassurante, qui lave Dieu de tout soupçon, mais qui ne satisfait pas complètement. On pressent une autre nécessité, ni totalement factuelle ni mécaniquement chronologique. Il faut –my...

Leçon de regard

Lundi, 34° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 21, 1-4) On ne regarde jamais où il faut ! Est-ce étonnant qu’un des derniers enseignements de Jésus à ses disciples, tout juste avant la Pâque, soit une leçon de regard ? A regarder en effet le bazar qui régnait au Temple, il y avait de quoi se mettre en colère. Et Jésus l’a fait, pour son Père. On peut hélas ne voir que ce qui va mal. Mais pour entrevoir la sainteté, même cachée, Jésus lui a un œil de lynx ! L’obole de la veuve ! Une des rares rencontres de l’évangile, pourtant une des plus belles, qui ne donne pas lieu à un échange de paroles. Cette femme n’a peut-être jamais su à quel point elle était vue. Et vue du Christ, lui-même ! Savait-elle que, pour le meilleur de nous-mêmes, toujours, Dieu a l’œil ? Son offrande, elle l’imaginait discrète, quasi invisible. C’est bien mal connaître Dieu. Comme par urgence, Jésus appelle alors sans délai ses disciples et veut leur donner u...

L’inscription au dessus de lui

Christ Roi de l'univers Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 23, 35-43) Frères et sœurs, ce moment de la passion est sans doute un des plus poignants. Car à la violence physique de la Croix (qui ne fut sans doute pas mince : l’évangile nous dit qu’on venait de crucifier Jésus), s’ajoute une violence peut-être pire : l’unanimité quasi générale du mépris, cette rafale de haine qui s’abat tout à coup sur lui. Et c’est un banal écriteau apparemment qui déclenche tout, et excite les premiers rangs. A la porte de Jérusalem ce soir-là, trois crucifiés cloués au bois de la croix n’en finissent pas de mourir. Les représentants des pouvoirs publics sont là : l’affaire Jésus leur semble maintenant réglée. La foule regarde, muette. On regarde surtout une inscription placée au-dessus du crucifié « Celui-ci est le roi des juifs ». C’est Pilate qui l’a rédigé, comme un sarcasme lancé aux juifs, ou à Jésus lui même. L’Evangile de Jean nous apprend d’ailleurs, par u...

Duquel est-elle l’épouse ?

Samedi, 33° semaine du Temps Ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 20, 27-40) Pour les Sadducéens qui n’y croyaient pas, il s’agissait de mettre Jésus en difficulté sur la Résurrection. D’où ce cas d’école matrimonial en forme de piège : sept maris sur la terre, combien au ciel ? Pour Jésus, que répondre d’autre ? Au ciel, bien sûr, il n’y aura plus ni maris ni femmes. « Les enfants de ce monde se marient ; mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part à la résurrection ne se marient pas » Il fallait bien aider ces sceptiques à faire le saut et entrer un peu mieux dans le mystère de la vie éternelle, laquelle ne saurait être la prolongation éternisée des choses de la terre. Ils ne se marient pas au ciel, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne l’ont pas été sur la terre sans que jamais le ciel ne s’en souvienne ! La vie éternelle ne fera pas de nous des fantômes impersonnels. Nous nous connaîtrons les uns les autres, maris et fem...

Une maison de prière

Vendredi, 33° semaine du Temps Ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 19, 45-48) Du Temple de Jérusalem à nos églises, il y a loin. Nous serions donc en droit de penser que l’invective du Christ aux marchands de l’esplanade ne nous atteint guère. La vente des cierges, des cartes postales ou même des babioles pieuses n’a de fait plus grand chose à voir avec le trafic des animaux destinés aux sacrifices. Et pourtant ? « Ma maison sera une maison de prière » . Il ne suffit pas qu’elle le devienne par la bénédiction ou la consécration. Certes, par la liturgie baptismale de la dédicace, le bâtiment de pierre prend part, de façon mystérieuse, au Corps du Ressuscité. Mais l’église ne sera maison de prière que si elle est habitée, bruissante en quelque sorte, de l’adoration, de la louange et de l’intercession des hommes et femmes d’aujourd’hui, qui sont les prêtres du Temple nouveau. Il lui faut l’offrande de notre présence. A la déamb...

Il pleura sur elle

Jeudi, 33° semaine du Temps Ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 19, 41-44) L’Enéide : un homme contemple les plus violentes scènes de la guerre de Troie, soupire quelques mots latins ( sunt lacrimae rerum : les larmes coulent au spectacle du monde), donnant à l’humanité une des expressions les plus saisissantes du tragique humain et de la compassion qu’il peut inspirer. Il s’appelait Enée. Il voyait déjà qu’il y a des larmes jusque dans le cœur des choses, et du monde. Sunt lacrimae rerum . Ce n’était encore qu’un homme. Mais des larmes aux yeux de Dieu ? A deux reprises, Jésus pleure : sur la mort de Lazare, un peu comme sur celle de chacun de nous ; sur la ruine de Jérusalem, comme sur la destruction possible de toute l’humanité. Quel est donc ce messie qui pleure au spectacle pitoyable d’une ville ? Jérusalem, l’épouse bien aimée, bafouée par toutes nos violences aveugles et livrée à nos folies humaines. Simple moment d’...

Dans un linge

Mercredi, 33° semaine du Temps Ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 19, 11-28) Seigneur, voici ta pièce d’or, je l’avais mise de côté dans un linge. Dans un linge : petit détail significatif, dans une parabole qui n’en déborde pas. Ce serviteur croyait bien faire, il avait surtout peur. Sa pièce, il pensait la protéger, la dissimuler, la soustraire à toute circulation risquée, à tout contact étranger. Avec le linge, il croyait tout amortir . Mais dans « amortir », il y a mort . Il est des linges protecteurs qui sont en vérité des linceuls ! Trop de linges aujourd’hui nous étouffent. Principe de précaution, épargne et prévoyance, qui veulent conserver à l’identique, ne rien jouer ni risquer, ne rien perdre ni ne rien donner. Mais la charité et la joie, elles, s’augmentent de se répandre et se réduisent à se garder de côté ! En cette matière, celui qui a recevra encore, celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a . Dieu...

Double hâte

Mardi, 33° semaine du Temps Ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 19, 1-10) Qui de nous est vraiment fidèle à la promesse de son nom ? Il s’appelait Zachée, le « pur, l’innocent » en hébreu. Mais la vie était passée par là, avec ses compromissions et ses entourloupes au fil des jours. Zachée avait perdu l’innocence depuis bien longtemps. Aujourd’hui, il collaborait apparemment sans vergogne avec les Romains pour collecter l’impôt, faisant ronfler les marges prélevées sur ses frères juifs, s’enrichissant à mesure qu’il les éreintait. Apparemment. Il est dit aussi, au présent (et non en projet) qu’il fait don aux pauvres de la moitié de ses biens … Jésus voit ce que fait notre main gauche. Mais on ne l’estimait pas, on le craignait même. Il était péager de la prospère Jéricho. Il aurait pu laisser passer Jésus, dans l’indifférence ou le cynisme. Qu’est-ce qui, en lui, avait pourtant gardé mémoire (autre étymologie possible de Za...

Que veux-tu que je fasse pour toi ?

Lundi, 33° semaine du Temps Ordinaire (année impaire) Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 18, 35-43) Depuis combien de temps avait-il fait du bord du chemin sa demeure ordinaire ? Sans doute l’aveugle mendiant s’était habitué à l’indifférence quotidienne dont il était l’objet. Les gens, sur la route, ne font guère que passer. De temps à autre, une obole tombait bien dans sa sébile, histoire de ne pas le faire désespérer du genre humain. Mais que pouvait-il attendre désormais de la vie ? La résignation le menaçait, tapie à la porte de son cœur. Voilà qu’une foule arrive. A défaut d’ouvrir l’œil, il tend pourtant l’oreille, et s’enquiert de la nature de l’événement. « On lui apprit que c’était Jésus le Nazaréen qui passait »

La veuve importune

Samedi, 32° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 18, 1-8) La parabole n’est pas à l’avantage de Dieu, qui accepte une comparaison peu flatteuse avec ce juge très pragmatique rendant justice moins par idéal que pour qu’on ne lui casse plus la tête. Parce qu’il connaît notre infidélité chronique et notre peine à persévérer dans la prière, Jésus ne craint pas un exemple aussi grossier pour nous convaincre que si ce juge misérable se laisse fléchir, combien a fortiori Dieu le fera à son tour. Rien n’exclut d’ailleurs de penser que Jésus dit cette parabole avec un sourire. Dieu veut donc, c’est Jésus qui en fait la démonstration, qu’on lui casse les pieds avec nos prières ! Dont acte.

L’une sera prise, l’autre laissée

Vendredi, 32° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 17, 26-37) Dieu n’a rien contre l’insouciance, au contraire. Mais, comme deux femmes en train de moudre, deux formes d’insouciance ? L’une confiante, que rien ne surprendra jamais tant elle est remise à Dieu, profondément abandonnée. C’est l’imprévoyance des oiseux du ciel, celle du lys des champs, celle des enfants, ou des Hébreux qui reçoivent au désert la manne quotidienne sans se soucier du lendemain, recevant tout de Dieu. L’autre, inattentive, rivée à la seule consommation de l’instant, oublieuse du maître discret dont parle la Sagesse, ou le psaume : Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s’entende . Une insouciance frappée de surdité, réceptive à la seule clameur tapageuse des préoccupations humaines. On mange, on boit, on fait la noce, on achète, on vend, on bâtit ! En cela, rien de mal. Mais après ?

La venue du règne de Dieu n’est pas observable

Jeudi, 32° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 17, 20-25) La venue du règne de Dieu n’est pas observable. N’en déplaise aux films catastrophes qui mettent en scène le spectacle de la fin du monde, la croissance du Royaume est sans doute d’une toute autre nature. Quand le péril fait du bruit, le Royaume, secrètement, n’est jamais loin car là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve , disait Hölderlin. Mais ce qui sauve n’est jamais très cinématographique… Une forêt qui pousse, sans doute, bien davantage que de grands arbres qui se fracassent ! La venue du Christ pour inaugurer l’avènement du Royaume se fera-t-elle de façon très différente de sa venue il y a deux mille ans ? Discrète avant d’être évidente. Combien alors étaient déjà passés à côté ?

Un sur dix

Mercredi, 32° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 17, 11-19) Un sur dix Pourcentage accablant : seulement un sur dix pour rendre gloire ! Au départ, ils étaient pourtant dix à supplier Jésus de les libérer de la lèpre : à l’arrivée, un seul à l’avoir rencontré vraiment. Un seul à le confesser. Un Samaritain qui plus est, celui qu’on n’attend pas. L’Esprit décidément souffle où il veut.

De simples serviteurs

Mardi, 32° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 17, 7-10) Elle est très actuelle, cette furieuse tendance à se croire indispensable ! Et dans notre monde très affairé où, du matin au soir, nous « gérons » à tout-va, à vouloir tout « maitriser » et ne plus rien confier à la mystérieuse providence de Dieu, nous finissons surmenés, ou en burn-out ! Lâchez prise ! Voilà ce que semble nous redire Jésus ! Et de nous ramener pour cela à l’humble mesure de nos engagements. Quel soulagement ! Dieu ne nous asservit pas en nous rabaissant à l’humble service, dont il a lui-même une grande science si mal comprise, il nous libère de notre fausse importance et nous allège de nos prétentions. De simples serviteurs ! Achréioi dit le grec : des serviteurs pas nécessaires, quelconques, non indispensables, bons sinon à rien, du moins à pas grand-chose. Notre auto-satisfaction en prend un coup ! Mais, plus encore qu’à la modestie, quelle invi...

Pour un seul de ces petits que voilà

Lundi, 32° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 17, 1-6) Pour un seul de ces petits que voilà. Après tous les scandales mis au jour et les actes avérés de pédocriminalité dans l’Église, ces paroles de Jésus retentissent à nos oreilles avec un singulier accent. Bien sûr qu’il s’agit, dans ce passage, de nous introduire à la déroutante et incommensurable miséricorde de Dieu. Bien sûr qu’il s’agit d’éduquer notre propre capacité à pardonner, jusqu’à soixante-dix-sept fois sept fois, dit-on ailleurs. Qui le peut d’ailleurs ? Qui est en mesure, sinon par grâce, de redonner sept fois par jour son pardon ? Telle est pourtant bien la morale de l’évangile : s’agissant du pardon, quelle exigence ! Faire voler en éclat toutes les comptabilités les plus raisonnables, et légitimer la démesure.

[Podcast] Une sainte colère

Dimanche, 32 e semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 2, 13-22)

Les Pharisiens qui aimaient l’argent

Samedi, 31 e semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 16, 9-15) Petit débat grammatical dans le passage d’évangile du jour : de quelle nature est la proposition subordonnée relative ? Les traductions semblent hésiter un peu. Explicative ou déterminative, comme diraient les grammairiens ? Soit : « les pharisiens, eux qui aimaient l’argent… » Tous dans le même sac ! Explicative, elle essentialise un groupe et l’affecte par nature d’une tare de cupidité. Jésus pécherait alors par généralisation, et poserait là la première pierre d’un antijudaïsme dont on sait hélas la fortune et les effets. (Lire à cet égard le tout récent et très utile Déconstruire l’antijudaïsme Chrétien de la conférence des évêques de France). Soit, « les pharisiens, ceux qui aimaient l’argent, (mais pas les autres…) ». Déterminative, elle spécifie. Dieu en vérité n’est pas communautariste. Il ne s’adresse pas à des groupes, ne stigmatise aucune communauté. C’est à...

Habileté des fils de ce monde

Vendredi, 31 e semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 16, 1-8) Jésus prend-il le parti des filous ? A identifier le maître à Dieu, et des paraboles le suggèrent parfois, on est dérouté par la morale d’une histoire pas très catholique ! Ce gérant trompeur, le maître en fit l’éloge . Un comble ! De fait, il avait trouvé la bonne combine. Trafic d’écriture, faux et usages de faux, on n’est pas loin de la magouille avérée. Cet économe habile entame-t-il ici un chemin de sainteté ? Qui sait ? Imaginons un brave homme qui doit gagner sa vie, dans un monde tel qu’il était déjà : un monde où l’argent est roi. Il fut un jour dénoncé (par qui ?) parce qu’il gaspillait les biens du maître : d’emblée, on est du côté de la finance ! De quelle nature était ce gaspillage, après tout ? Peut-être en redistribuait-il un peu aux plus pauvres ? Rêvons ! Le voilà menacé de licenciement par un bien plus riche et plus endurci que lui.

J’ai retrouvé ma brebis !

Jeudi, 31 e semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 15, 1-10) Rien de moins raisonnable, de plus provocateur, que la parabole de la brebis perdue ! Jésus fait comme si les choses allaient de soi et se montre très optimiste sur notre art d’être bons bergers. Il fait sur ses auditeurs un pari audacieux, pas gagné d’avance : « Si l’un de vous a cent brebis et en perd une, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert pour aller chercher celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il la retrouve ? ». C’est en discussion chez les éleveurs ! Il est en effet des comptabilités plus pragmatiques. Après tout, on n’est pas à une brebis près. Une de perdue, et dix de retrouvées, ou du moins, plus de quatre-vingt-dix prudemment préservées. Et après tout, comme le dit la fable, mieux vaut tenir que courir. N’est-il pas en somme assez hasardeux d’aller courir après la fofolle buissonnière ?

Porter sa croix

Mercredi, 31 e semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 14, 25-33) Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple . Combien d’hommes et de femmes ont buté sur cette parole à première vue peu engageante. La croix fait peur, et notre époque, peu encline à l’ascèse et moins encore au dolorisme, se rebiffe naturellement contre une telle invitation. On veut porter bien des choses : porter beau, se bien porter, porter un tatouage ou même porter le voile, mais porter sa croix… L’expression sonne ringard.À quoi bon se résigner encore à supporter sa propre misère quand on nous présente partout des méthodes pour vivre mieux, plus zen, ou plus cool ? La croix, ce n’est pas très fun : il s’agira donc surtout de s’en alléger, pour ne pas dire de s’en débarrasser. S’agit-il de cela ? Le Christ recrute-t-il donc des disciples d’un autre temps, prédisposés à un certain masochisme ? Celui qui ne porte pa...

Il reste encore de la place

Mardi, 31 e semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 14, 15-24) Venez, tout est prêt . D’où vient cette parole, sinon du cœur profond du Père ? La table du Royaume, depuis l’origine, il la prépare avec amour et veille sur la place de chacun. C’est qu’il veut faire de tous un invité de marque. Il nous veut convive : quel beau mot ! Convive , pour qu’avec lui, à jamais, nous vivions, ensemble. Voilà ce qu’avait bien compris cet homme fervent en qui monte une béatitude : Heureux celui qui participera au repas dans le royaume de Dieu !  Jésus a dû s’émerveiller d’un tel élan de foi, lui qui nous appelle si souvent à une spiritualité de la commensalité. En retour, il lui offre une parabole, comme une confidence.

Quand tu donnes une réception.

Lundi, 31 e semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 14, 12-14) Jésus bouscule les lois mondaines du bien recevoir. Sans doute taquine-t-il un peu son hôte, chef des pharisiens qui l’avait invité à dîner. Au risque de bafouer l’usage et de manquer aux manières ordinaires de la courtoisie, Jésus ne rendra donc pas l’invitation ! Il va même jusqu’à faire de l’entorse une règle de la vie chrétienne. Le potlatch n’est pas évangélique. Que nos dons soient vraiment gratuits, et libres de tout calcul ! Aucun retour sur investissement à espérer !

La Toussaint : lucarne sur la vie du Ciel

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Samedi, 30° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 5, 1-12a) Un jour par an, au creux de l’automne, nous fleurissons les tombes de nos cimetières. Pour beaucoup, cette coutume est sacrée et il faudrait n’avoir pas de cœur pour trouver ridicule cette fidèle démarche de l’affection. Et pourtant, est-il chrétien de réduire la Toussaint, la grande fête de l’Église totale, à la commémoration de ce qui n’est plus ? N’est-il pas regrettable de laisser dégénérer le 1er novembre en journée du souvenir et de la mélancolie, comme si nous n’avions plus d’espérance ? Il est légitime de porter des fleurs sur une tombe : mais combien est-il plus urgent encore de renouer ces liens de famille avec le Ciel. C’est un grand ressort de l’existence terrestre que de ne jamais oublier le lien mystérieux avec la foule de nos ancêtres qui peuplent l’Éternité. Oui, d’ores et déjà, nous sommes enfants des saints. La filiation est certaine, c’est une grâce ! Au c...

Question de Jésus

Vendredi, 30° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 14, 1-6) S’il y a une sensibilité juive de laquelle Jésus se sent proche, ce sont bien les Pharisiens. Il est regrettable que dans la culture chrétienne ordinaire, le mot ait pris un sens péjoratif, et qu’il finisse par signifier l’hypocrisie ou la psychorigidité dans l’application de la Loi. Comme Jésus a dû les goûter, tous ces moments de partage avec ces cœurs ardents de jeunes (et de moins jeunes) pharisiens, tournés vers l’absolu avec une exigence et une intensité admirables ! Jésus ne vient pas d’abord leur donner des leçons. Il entre fraternellement chez eux, y prend son repas. Sans réserve, il célèbre en leur compagnie le sabbat. Parce qu’il les aime d’un amour tout particulier, il désirerait que, chez eux plus que chez quiconque, s’accomplisse au plus profond de leur cœur la fine pointe spirituelle de la sensibilité exigeante qui caractérise leur belle communauté.

Jérusalem, Jérusalem

Jeudi, 30° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 13, 31-35) Jérusalem, Jérusalem…combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes… A qui parle Jésus ? La confidence est assez émouvante. Elle a des allures d’aparté. Jésus est en train de répondre aux pharisiens qui brandissent la menace d’Hérode, et voilà tout à coup que le mot Jérusalem arrive sur ses lèvres. Un mot-clé, qui touche au cœur, ouvre sur l’intime de sa mission et le plonge dans une méditation douloureuse, tant ces quatre syllabes articulent en lui l’objet d’une tendresse particulière. « Jérusalem ! » A ce mot seul, Jésus décroche un instant du dialogue direct avec ses interlocuteurs, passe soudain sur un autre plan.

La porte étroite

Mercredi, 30° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 13, 22-30) Le Royaume de Dieu, un club hyper sélect ? Elle en a fait couler des paroles, cette fameuse « porte étroite » ! De tous les enseignements de Jésus, sans doute l’image la plus risquée, la plus mal comprise, la plus détournée. Elle a acclimaté dans les esprits la représentation d’un Dieu sélectif, juge impitoyable et mis dans les cœurs l’idée d’une aristocratie céleste. Un de ces malentendus majeurs entre Dieu et les hommes, il en est tant ! On a fondé sur elle toute une catéchèse de la peur et du mérite, toute une théologie de la prédestination. Dieu soudain n’a plus le cœur grand ouvert ! Jusqu’à ces terribles crucifix jansénistes que resserrent l’empan des deux bras du Christ en croix vers la verticale, comme pour réduire drastiquement le champ du salut.

Douze, auxquels il donna le nom d’apôtres

Mardi, 30° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 6, 12-19) On les connaît bien, les douze apôtres que Jésus appela, mais on aime réentendre égrener cette belle litanie de noms : Simon, André, Jacques, Jean, Philippe… Tous présents à l’appel ! La liste reste émouvante. Un lien de parenté vient parfois authentifier la vérité d’une existence, ramener le prestige dont l’histoire sainte les a revêtus à la simple réalité de ce qu’était leur vie ordinaire de pêcheurs de Galilée : Jude, fils de Jacques, Simon appelé le zélote, Jacques fils d’Alphée… Arrive le nom de Judas, et cette simple notation, poignante de pudeur et de discrétion : celui qui fut le traître. Ici, pas question de refaire l’histoire, de retoucher la photo pour supprimer l’élément gênant, comme certains régimes totalitaires ne s’en privent pas. Il est là, avec les autres. Certes, en fin de liste ; peut-être moins pour le disqualifier que pour mettre à l’horizon d’une ...

Délivrer, le jour du sabbat

Lundi, 30° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 13, 10-17) Jésus a aimé le sabbat plus que quiconque ! De doux souvenirs des sabbats familiaux à Nazareth, il en a plein la tête. Il revoit sa mère en faire le pain. Il revoie Joseph lui apprenant à dire le Kiddoush sur la coupe de vin. Il en a aimé les règles, l’exigence et la joie. Comme personne, il en sait le prix, en comprend la valeur. Lui qui est Dieu, il sait bien quelle pédagogie le Père a déployé en demandant de telles exigences rituelles à son peuple, pour le sanctifier, pas pour le corseter. Mais du haut de ses meilleures intentions, Dieu avait-il tout vu ? Maintenant qu’il est venu habiter parmi les hommes, son regard ne peut plus être exactement le même. Homme parmi les hommes, il prend fait et cause pour eux d’une manière très inédite. Par sa venue dans le monde, les temps vont donc changer, et les règles aussi : voici qu’il y eut ce jour-là, à quelques mètres de lui, un...

Pas au centre, mais au coeur

Dimanche, 30° dimanche du Temps Ordinaire - Année C Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (18, 9-14) Frères et sœurs, il ne s'agit donc pas seulement de monter au Temple pour prier, il s'agit aussi de bien voir où l'on s'y place, et comment l'on s'y tient ! Notre pharisien et notre publicain d'aujourd'hui sont sans doute montés au Temple d'un même pas, mais pas exactement d'un même cœur. Chez le notable du jour, qui lui est un peu trop monté , en effet, tout est haut, très haut placé ! Sa voix d'abord : on l'imagine parlant à voix haute, le ton un peu perché. Son placement physique dans l'édifice ? En haut du transept plutôt que dans les derniers rangs, et plutôt au centre. Et bien sûr, sa haute, sa très haute idée de lui-même ! Sa prière pourtant commençait bien, comme une eucharistie. Mon Dieu, je te rends grâce … Mais vite, elle tourne mal et se gâte sur pied : son oraison à peine entamée se mue aussitôt en...

Plus coupables ?

Samedi, 29° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 13, 1-9) Meurt-on tragiquement à proportion de notre péché ? Si seulement ceux à qui il arrive malheur étaient plus coupables que les autres ! Le mal ne serait plus énigmatique mais légitime. Et la religion une simple pré-distribution des mérites respectifs. Des cœurs s'insurgent contre cette logique comptable et, déboussolés par l'affaire des Galiléens, vont s'en ouvrir au Christ. Et Jésus voudrait bien leur en dire plus, leur parler déjà de la « communion des saints », de ce grand et bouleversant mystère dans lequel on ne sait jamais bien pour qui l'on vit et pour qui l'on meurt, surtout quand on donne sa vie, dans cet ultime face à face avec Dieu, qui arrive parfois de façon bien injuste ou imprévue. Il aimerait tant que nos bons récriminateurs du jour devinent qu'aux abords du Temple et un jour de Pâque, comme les Galiléens, c'est lui bientôt qui ver...

Vous savez interpréter l’aspect du ciel et de la terre

Vendredi, 29° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 12, 54-59) Il arrive à Jésus d'avoir envers nous des impatiences d'amour. Avec tout ce qu'il nous enseigne, inlassablement, ce qu'il nous montre et réalise devant nous, et tout ce que nous ont déjà transmis les Écritures, il nous rêve plus perspicaces. Quand il nous regarde exercer notre talent d'interprète, il voit que nous nous débrouillons assez bien avec la météo. Même avant les satellites et les moyens techniques modernes, la sagesse des anciens savaient en effet lire les signes du ciel et prévoir le temps. Discerner le temps qu'il fera, il y a deux mille ans, on était déjà assez bon ! Mais discerner les signes des temps, comprendre avec finesse ce que nous vivons et à quel moment de l'histoire spirituelle du monde nous nous trouvons, c'est beaucoup plus compliqué ! C'est d'un tout autre soleil qu'il aimerait

Familles divisées

Jeudi, 29° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 12, 49-53) Chercheurs de religion à l'eau de rose, pacifistes lénifiants, passez votre chemin ! Les paroles du Christ ne relèvent pas du « spirituellement correct ». Loin des discours consensuels et sirupeux qui font la recette des sectes, loin des propos bien-pensants dont la famille est parfois l'objet, ce sont des mots exigeants, où l'appel de la vérité ne sacrifie pas au mythe illusoire de l'unité familiale. Faut-il alors craindre la division que le Christ promet de mettre au sein même des familles ? La famille est une belle réalité humaine que le christianisme valorise et bénit. Mais en soi, elle n'est pas sacrée. Parce que ses membres sont pécheurs, quelle famille est à l'abri des divisions ? Le rêve irénique d'une famille unie à tout prix peut ne pas être vraiment évangélique s'il est poursuivi sur

A qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup

Mercredi, 29° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 12, 39-48) Des situations qui parlent d'elles-mêmes, des histoires de voleurs et de volés, de maîtres et de serviteurs qui sont toutes assez éloquentes. Jésus est juif, il aime les histoires ! Et il en raconte aux hommes, inlassablement, tant son cœur déborde. C'est aussi que Dieu prend au sérieux notre façon de conduire notre vie et notre aventure de la terre, et veut nous y aider. Pas qu'il nous veuille soumis, ni rivés à ses intérêts, comme un créditeur impitoyable. Pas davantage comme un Père Fouettard menaçant, car les coups qu'on peut prendre et dont il parle, c'est moins lui qui les donne que la vie qui souvent s'en charge. Bien plutôt, il veille sur nous et aujourd'hui nous presse à une vigilance et à une prévoyance ajustée. Ailleurs, il nous encourageait à vivre au jour le jour, lui qui nous donne, telle la manne, notre pain quotidien ; ailleu...

Comme des gens qui attendent

Mardi, 29° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 12, 35-38) Jésus invite ses disciples à être « comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces ». Aujourd'hui, il est vrai, il n'y a plus beaucoup de maîtres pour se faire une idée, et guère plus de noces… Encore moins de gens qui savent vraiment ce qu'est l'attente. Dans notre monde pressé, tout est conçu pour la supprimer. « N'attendez plus ! », le slogan publicitaire se décline partout. De l'attente, c'est à qui coupera la file. Le découragement existentiel n'a pas d'autre verbe. La fin des utopies a sonné le glas d'une confiance en l'avenir. Nous sommes désabusés. On veut beaucoup et vite, mais on n'attend plus rien. Plus rien, ni plus personne. La vocation chrétienne dans le monde d'aujourd'hui ? Attendre, précisément. Tout attendre, d'une attente presque sans objet, à la mesure du désir humain, i...

Quand on va te redemander ta vie

Lundi, 29° semaine du Temps Ordinaire Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 12, 13-21) Faire le plein, remplir ses greniers ! L'avidité est de tous les temps. Il est vrai que notre époque, sur fond de convoitise mais aussi d'angoisse et de perte de sens, dispose tout particulièrement à cette démesure-là. « La vie de quelqu'un, même dans l'abondance, ne dépend pas de ce qu'il possède » . On finit par l'oublier. Alors Jésus nous alerte, avec une grande sagesse. On aurait aimé entendre aussi son intonation, son émotion, lui qui ne cherche pas d'abord à nous corriger moralement de nos inconduites ni à rectifier nos écarts. Éperdu qu'il est de nous, il cherche surtout à nous épargner les mauvais choix et à nous sauver de tout ce qui nous abîme et nous détruit. Il se désole de notre folie à entasser toujours plus et sa parabole est éloquente : il est en effet bien avancé, ce malheureux riche, plein aux as, au moment où il faut quit...